Rafinesque, une vie de voyages.
Constantin Rafinesque naquit à Constantinople en.1783. La ville (maintenant Istanbul) lui donna son prénom. Sa mère était d’origine germanique, son père un armateur marseillais. Il passa une bonne partie de sa jeunesse en France et en Italie. Autodidacte, il maîtrisa un remarquable éventail de langages, et il excella très tôt dans la botanique et la zoologie. Un fait montre bien sa passion pour ces sciences.: établi alors comme négociant en Sicile, il prénomma Charles-Linné le fils qu’il eut avec une jeune femme de l’île.! Enfant qui mourut malheureusement à l’âge d’un an.
En.1815, il partit travailler aux États-Unis. Il y avait déjà séjourné trois années avec son frère, entre 1802 et 1805.
Le 2.novembre.1815, son navire arriva en vue de Long Island, île sur laquelle est bâtie une partie de la ville de New York. Le temps était brumeux ; vers 10.heures du soir, la quille du bateau s’empala sur des rochers appelés Race Rocks. Les passagers purent gagner la terre ferme, mais toute la cargaison fut perdue. Rafinesque fut ainsi dépouillé de 50.caisses renfermant tous ses livres, ses collections, ses dessins 2.
Rafinesque avait eu tellement peur qu’il ne reprit jamais la mer et ne revit jamais son épouse sicilienne ni sa fille Émilie 3.

Vers 1820 / Domaine public
Une longueur d’avance
Rafinesque parcourut maintes régions de l’est des États-Unis, tout en collectionnant à nouveau des spécimens de plantes et d’animaux. Il donna, pour survivre, des cours et des conférences en de nombreux endroits et écrivit énormément, mais la plupart du temps dans d’obscures publications.
Curieux et insatiable, il apporta une contribution importante à la préhistoire de l’Amérique du Nord en étudiant nombre de sites archéologiques dans l’Ohio et le Kentucky 4.
De son vivant, il fut beaucoup décrié par les autres naturalistes américains, car ses idées manquaient assez souvent de rigueur.
Mais il fut plus d’une fois en avance. Il avait entre autres apporté une nouvelle méthode de classification des plantes, mise au point par Antoine-Laurent de Jussieu, tandis que les Américains restaient amarrés au système de Linné.
Il avait également observé que les espèces n’étaient pas éternelles, ce qui en fit un précurseur de Darwin. Il nota ainsi dans son « Herbarium Rafinesquianum », sorti en 1833 (voir texte original ci-dessous) : «.La vérité est que les espèces […] sont formées chez les êtres organisés par des déviations graduelles des structures, des formes et des organes s’effectuant au cours du temps.».

Disponible sur Google Play / Domaine public
https://play.google.com/books/reader?id=dWM_AAAAYAAJ&pg=GBS.PA10&hl=fr
Un génie qui effraie les taxonomistes
Voici pourquoi.
Sa place est assurée au panthéon des botanistes, car il a publié plus de noms scientifiques de plantes qu’aucun autre ayant jamais vécu.: pas moins de 6.700.! Ces noms furent souvent consignés dans des livres ou des revues devenus rares et oubliés par la suite. Or, selon la règle de la priorité incluse dans le code de nomenclature botanique, beaucoup de ces noms devraient remplacer ceux qui sont en vigueur aujourd’hui 1.!
Rafinesque mourut dans la pauvreté et esseulé, en septembre.1840, d’un cancer de l’estomac et du foie. Il avait à peine 57.ans. Il avait publié, quelques années auparavant, le récit de sa vie dans un ouvrage intitulé «.A life of travels.». En épigraphe du livre, Rafinesque plaça la phrase suivante.: «.Un voyageur dès le berceau, Je le serais (sic) jusqu’au tombeau.».

https://archive.org/details/lifeoftravelsres00rafi/page/n5/mode/2up
À l’origine des Viburnacées
Le nom de famille Viburnaceae remonte à un article d’octobre/décembre 1820, que Rafinesque rédigea et publia dans la revue belge « Annales générales des sciences physiques ».

(The LuEsther T Mertz Library, the New York Botanical Garden; domaine public)
Dans son papier, dont le titre est «.Tableau analytique des ordres naturels, familles naturelles et genres, de la classe endogynie, sous classe corisantherie.», Rafinesque créa la famille des Viburnidées, dont le nom sera ensuite normalisé en Viburnacées. Elle contenait quinze genres, dont les Viornes et les Sureaux.

Disponible sur Google Play / Domaine public
https://play.google.com/books/reader?id=adIWAQAAIAAJ&pg=GBS.PA86&hl=fr
Ce nom de famille a été récemment remis à l’ordre du jour, remplaçant celui des Adoxacées en raison du principe d’antériorité, comme nous l’avons expliqué dans le billet Viburnacées contre Adoxacées.
Sources :
1 : Boewe, Charles ; A C.S. Rafinesque Anthology ; McFarland ; 15 juin 2005 ; p. 1 ↑
2 : Fitzpatrick, T. J. ; Rafinesque; a sketch of his life, with bibliography ; Des Moines Historical Department of Iowa ; 1911 ; p. 22 ↑
3 : Yves Boulvert ; Constantin Samuel Rafinesque ; Académie des Sciences d’Outre Mer ; L’Harmattan (Hommes et Destins) ; 2011 ; p. 776 ↑
4 : Leonard Warren ; Constantine Samuel Rafinesque: A Voice in the American Wilderness ; University Press of Kentucky ; 2004 ; pp. 90-91 ↑