La toxicité du fer ferreux

Un sol est normalement constitué d’éléments solides (minéraux et matière organique), formant des agrégats séparés par des espaces dans lesquels circulent de l’air et de l’eau.  Cette eau, chargée en sels minéraux dissous, est appelée solution du sol.

C’est de la solution du sol que la plante tire la plupart des éléments nutritifs dont elle a besoin, excepté bien sûr le carbone qu’elle pompe de l’atmosphère.

Le fer entre dans la composition de plusieurs enzymes qui jouent un rôle dans la respiration et la photosynthèse (en participant notamment à la synthèse de la chlorophylle).

Le fer entre dans la fabrication de la chlorophylle, le pigment servant à la photosynthèse

Dans un terrain bien aéré, le fer est présent dans le sol sous une forme qui est peu soluble, et la solution du sol n’en contient donc qu’une faible quantité. Il n’est d’ailleurs pas rare que les plantes aient une carence en fer.


En revanche, dans un terrain gorgé d’eau en permanence, le fer prend la forme de l’ion ferreux (Fe2+) 1, et sa solubilité augmente. La teneur en fer dans la solution du sol dépasse alors les besoins des plantes, et il devient toxique pour beaucoup d’espèces 2. L’un des symptômes de cette toxicité est l’apparition d’une coloration brun rouge sur les feuilles 3.

Certaines plantes des marais ont développé une tolérance à une concentration élevée d’ions ferreux dans le sol.

Ce sont essentiellement des monocotylédones, comme des laîches, des joncs, des linaigrettes, quelques graminées, ainsi que l’Iris des marais (Iris pseudacorus).

L’iris des marais est très résistant au fer

Seules deux dicotylédones font partie du groupe des plantes les plus tolérantes au fer : la Pédiculaire des marais et la Parnassie des marais (Parnassia palustris).

La Parnassie des marais


Comment ces plantes parviennent-elles à se protéger de cet abus de fer? Elles empêchent tout simplement les ions ferreux de pénétrer dans leurs racines!

La Linaigrette à feuilles étroites (Eriophorum angustifolium) est la plante à fleurs la plus tolérante au fer

Comment cela se passe-t-il?

Les plantes des milieux humides possèdent dans leurs tiges des canaux appelés aérenchymes qui leur permettent de transporter l’oxygène (et d’autres gaz) entre les parties situées au-dessus et en dessous de l’eau. Sans cet apport d’oxygène, les racines ne pourraient pas respirer.

Chez les plantes les plus résistantes au fer, une partie de cet oxygène va être libéré à l’extérieur des racines, dans ce qu’on appelle la rhizosphère (la partie du sol proche des racines).

Cet oxygène va oxyder les ions ferreux, les transformer en hydroxyde de fer, qui est peu soluble et ne pourra donc plus être absorbé par la plante mais se déposera sur les racines sous forme de plaques 3 4.

Le Jonc diffus est également une espèce très tolérante au fer


Notez que toutes les espèces des milieux humides ne sont pas tolérantes au fer. Dans le billet précédent nous vous avons montré le Lychnis fleur de coucou (Lychnis-flos-cuculi). Cette plante est très peu tolérante au fer. Comment expliquer alors qu’elle côtoie la Pédiculaire dans la prairie?

Les conditions peuvent changer sur de petites distances

En réalité, les conditions environnementales peuvent changer rapidement, sur un mètre par exemple. Les endroits où poussent les Lychnis s’assèchent sans doute régulièrement. Et le fer qui s’y trouvait a peut-être été lessivé par l’eau et s’est concentré en d’autres coins de la prairie.

Les espèces des milieux humides les moins tolérantes au fer sont, outre le Lychnis : la Reine des prés (Filipendula ulmaria), la Grande oseille (Rumex acetosa),
la Scrofulaire aquatique (Scrophularia auriculata), la Patience aquatique (Rumex hydrolapathum), et l’Epilobe hirsute (Epilobium hirsutum) 2.

L’épilobe hirsute est l’espèce la moins tolérante au fer parmi celles vivant au bord de l’eau


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Sources :
1 : Medde; Guide  pour  l’identification  et  la  délimitation  des  sols  de  zones humides; Ministère  de  l’Écologie,  du  Développement Durable  et  de  l’Énergie;  Groupement d’Intérêt Scientifique Sol; 2013
2 : R. E. D. Snowden & B. D. Wheeler; Iron Toxicity to Fen Plant Species; Journal of Ecology; Vol. 81, No. 1; Mars 1993; pp. 35-46
3 : Jean-François Vizier; La toxicité ferreuse dans les sols de rizières; Orstom; Mai 1988
4 : R. E. D. Snowden; Iron Toxicity to wetland plants; Department of Animal and Plant Sciences, University of Sheffield; Juin 990