La Gazette des Plantes vous propose un petit dossier sur la prunelle, mais attention : pas la prunelle de vos yeux, ni le rédacteur en chef de Gaston! Non, nous allons parler du fruit du prunellier.
La prunelle, fruit de l’épine noire
La prunelle est le fruit de l’épine noire, autrement dit du prunellier (Prunus spinosa), un arbrisseau épineux appartenant à la vaste famille des Rosacées, et plus précisément au genre Prunus, qui rassemble en son sein
beaucoup d’espèces d’arbres fruitiers (pruniers, cerisiers, pêchers).
Pour en apprendre plus sur le prunellier, n’hésitez pas à lire le dossier que la Gazette des Plantes lui avait consacré il y a quelques mois.
Avant la prunelle, la fleur
Si vous avez lu attentivement le billet précédent « Une brève introduction aux fruits« , vous savez désormais que le fruit provient de la transformation de la fleur, ou du moins d’une partie de celle-ci après fécondation.
Examinons donc une fleur de prunellier : 5 pétales blancs entourent un cercle d’étamines (les organes mâles de la fleur) et au centre de ce cercle se trouve le pistil (l’organe femelle).
Observons ce pistil (vous pouvez agrandir la photo ci-contre en cliquant dessus) : on ne voit qu’un seul style surmonté par un seul stigmate. Les plantes du genre Prunus possèdent en effet des pistils à carpelle unique (rappelons que le carpelle est l’ensemble stigmate-style-ovaire, et qu’un pistil peut être formé d’un ou de plusieurs carpelles). Ce point est important lorsque nous voudrons classer le fruit.
La photo montre bien que le style s’enfonce bien en-dessous du point d’insertion des étamines et des pétales. Et puisque l’ovaire est situé à la base du style, il sera lui-aussi placé plus bas que les pièces florales (voir schéma ci-dessous). Dans ce cas, les botanistes disent que l’ovaire est infère.
L’ovaire de la prunelle est donc placé dans le réceptacle, mais il n’adhère pas à ce dernier. Ce point aura son importance lorsque l’ovaire se transformera en fruit.
La pruine de la prunelle
Nous sommes en automne. Comme par un coup de baguette magique les fleurs ont disparu et à leur place sont apparues des prunelles, globes d’une belle teinte bleu foncé et de la taille d’une petite prune (10 à 15 mm de diamètre).
Ce bleu de Prusse n’est pas la couleur de la peau du fruit, mais bien celle de la pruine, une couche légèrement poudreuse qui la recouvre. Cette couche est sécrétée par le fruit et formée de fines structures de cire.
La pruine remplit plusieurs rôles.
Durant les chaudes journées de l’été, elle retient l’eau et protège donc le fruit d’une trop grande évaporation.
D’autre part, elle retient en son sein des bactéries et des levures (des champignons unicellulaires) qui défendent le fruit contre des agressions extérieures.
En outre, la pruine réfléchit fortement les rayons ultraviolets, ce qui renforce le contraste avec le feuillage vert environnant. Cela rend les prunelles plus visibles pour les oiseaux et accroît donc les chances de dispersion des fruits.
Pour connaître la vraie couleur de la peau d’une prunelle, il nous suffit d’ôter la pruine en la frottant. La prunelle devient noire (voir photo ci-dessus).
La prunelle n’est pas le seul fruit qui soit recouvert d’une couche pruineuse. C’est également le cas des prunes et des raisins, entre autres.
Références :
– Pruine sur Wikipedia (FR)
– Pruinescence sur Wikipedia (EN)
– L’épine noire ou prunellier, sur le blog de Jean-François Dumas
L’intérieur d’une prunelle
Ouvrons une prunelle pour étudier son intérieur (mais laissons les autres à la disposition des oiseaux qui s’en régaleront l’hiver venu).
On constate la présence au centre du fruit d’un noyau assez dur, recouvert d’une couche charnue, succulente et jaune verdâtre.
Que s’est-il passé?
Voici un rappel succinct et simplifié pour vous rafraîchir la mémoire (relisez éventuellement le billet précédent « Une brève introduction aux fruits« ) :
un grain de pollen émanant des étamines (les organes mâles des fleurs) arrive sur un stigmate (la partie supérieure du pistil, l’organe femelle). Le grain de pollen libère les gamètes mâles (les cellules reproductrices) qui vont descendre jusqu’à l’ovaire (la partie basse du pistil), et pénétrer dans un ovule pour s’unir aux cellules femelles. C’est la fécondation.
Cela met en branle une série de transformations :
Premièrement les sépales et les pétales se fanent. C’est logique : ces éléments servent à attirer les pollinisateurs. Dès que la fécondation a eu lieu, leur rôle est terminé.
Ensuite l’ovaire commence à grossir, tandis que le réceptacle disparaît progressivement. Rappelez-vous : l’ovaire n’est pas ici adhérent au réceptacle, et les deux parties vont pouvoir évoluer indépendamment l’une de l’autre. Par contre, chez d’autres plantes, l’ovaire et le réceptacle se retrouveront tous deux dans le fruit.
Revenons à notre prunellier : la cloison interne de l’ovaire s’épaissit et se durcit. En son sein, l’ovule s’élargit également.
A la fin du processus, l’ovaire s’est métamorphosé en un fruit (la prunelle) :
– la partie externe de sa paroi est devenue la peau mince du fruit (aussi nommée épicarpe – du grec ancien epi qui veut dire « sur » et karpos qui veut dire « fruit »);
– la partie interne de la paroi s’est lignifiée (elle a pris la consistance du bois) et a formé un noyau dur (nommé endocarpe – du grec ancien endon qui signifie « dedans »);
– entre ces deux couches s’est développée une zone charnue, la pulpe (nommée mésocarpe – du grec ancien endon qui signifie « dedans »).
L’ovule quant à lui s’est transformé en graine contenant l’embryon de la future plante.
La prunelle, un fruit charnu
Juste sous la peau, et entourant le noyau, se trouve donc la partie charnue appelée mésocarpe. Dans cette zone vont s’accumuler progressivement beaucoup de sucres.
Le but de la plante est d’attirer des animaux qui vont se nourrir de cette pulpe : des petits carnivores (comme les renards, les martres …) et des oiseaux (grives, merles, rouge-gorges…). Ils rejetteront dans leurs fientes les graines qui seront ainsi dispersées assez loin de la plante mère.
Cette méthode de dispersion est nommé endozoochorie, du grec ancien khôrein « se mouvoir », zoo « animal » et endon qui signifie « dedans ». C’est donc la dispersion des graines par ingestion de celles-ci par les animaux.
L’homme peut également consommer les prunelles, mais ses papilles gustatives les trouveraient bien trop astringentes, acides et âpres s’il les mangeait avant qu’elles ne soient devenues blettes. Les premières gelées modifient la composition de la pulpe, un peu comme si elles étaient cuites.
La prunelle, un fruit à noyau
Au sein de la partie charnue se trouve une enveloppe coriace, lignifiée (de la consistance du bois). C’est le noyau ou endocarpe.
Le rôle du noyau est de protéger la graine qui se trouve en son sein. Mais pas trop cependant, car la jeune plante qui va en émerger devra bien pouvoir se frayer un passage!
Lorsque le fruit est consommé par un animal, les sucs digestifs attaquent le noyau et le fragilisent, ce qui permettra la sortie de la plantule.
Au cœur du fruit, la graine
Ouvrons maintenant le noyau en deux : il est creux et contient une seule graine.
Cette graine résulte de la fécondation de l’ovule.
La graine est protégée par une enveloppe nommée tégument, entourant un tissu formé de réserves nutritives, appelé albumen. Au centre se trouve l’embryon de la future plante, encore minuscule et constitué de quelques cellules seulement.
Évitez de croquer cette graine, car elle est modérément toxique. Elle renferme des hétérosides cyanogènes.
Résumons et classons
La prunelle résulte de la maturation d’un seul ovaire d’une seule fleur. C’est un fruit simple.
Si le fruit résulte du développement de plusieurs ovaires, on parle de fruit composé.
Si le fruit inclut d’autres parties que l’ovaire (par exemple les sépales), on parle de faux-fruit.
Nous avons vu que la prunelle contenait une partie charnue; c’est donc un fruit charnu.
D’autres plantes produisent des fruits entièrement secs. C’est le cas du noisetier notamment.
Mais la partie charnue de la prunelle entoure un noyau qui est lui bien dur. C’est donc un fruit charnu à noyau, que les botanistes appellent drupe.
Si l’endocarpe avait été charnu lui-aussi, au lieu d’être lignifié, on aurait eu affaire à une baie. Le raisin et les myrtilles sont des baies.
Un verre de liqueur pour terminer
Maintenant que vous savez tout ou presque sur la prunelle, voici venu le moment de la récompense : un verre de liqueur de prunelles!
Vous trouverez sur le site du Marmiton une recette simple pour la fabriquer.
Temps de préparation : 40 minutes
Ingrédients (pour 1 litre) :
– prunelles pour obtenir 1 verre de noyaux (à titre indicatif 1 seau de 10 litres de prunelles donne 5 verres de noyaux environ)
– 1 l d’eau de vie ou d’alcool pour fruits
– 250 g de sucre
– 1 bonne dose de patience
Recette :
– Attendre 2 ou 3 bonnes gelées avant de cueillir les prunelles.
– Enlever la chair pour ne conserver que les noyaux très propres et bien essuyés. Les casser.
– Les verser dans un bocal avec de l’eau de vie ou de l’alcool pour fruits à raison d’1 verre de noyaux par litre d’alcool.
– Décanter après 1 mois ou 2 (ou plus) de macération.
– Récupérer les noyaux et les verser dans 20 cl d’eau avec le sucre.
– Laisser bouillir 4 minutes puis laisser refroidir ce sirop avant de l’ajouter à l’eau de vie de prunelles.
Mettre en bouteille.
Remarque : il est important de bien retirer la chair des prunelles afin d’éviter qu’elle ne colore la liqueur.
Description instructive et claire sur ce fruit 😉 et non baie comme on pourrait s’y méprendre. La lecture de cet article est intéressant.
J’ai cueilli des prunelles près de Valence début septembre. Après quelques jours au congélateur, l’amertume des fruits a disparu. Reste le plaisir de picorer ces petites bille rondes. La chair fondante se détache bien de son noyau tout lisse particulièrement agréable à suçoter.
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