Nous voici arrivés à la fin (provisoire) de notre long voyage estival qui nous a menés des bactéries aux … plantes.
Les Plantes (Plantae)
Un beau jour (ou était-ce une nuit?), il y a très longtemps (peut-être 1,5 milliard d’années), une cellule eucaryote absorba une cyanobactérie pour se nourrir.
Personne ne sait exactement ce qui se passa alors, mais la cyanobactérie ne fut pas digérée. Les 2 organismes se mirent désormais à vivre en symbiose. Les biologistes appellent cet événement une endosymbiose (en grec ancien, éndon signifiait « dans »). La cyanobactérie (n° 5 dans le schéma ci-dessous), qui, rappelez-vous, pratiquait la photosynthèse grâce à ses thylakoïdes, procura à la cellule eucaryote les sucres nécessaires à sa survie.
La cyanobactérie devint un compartiment spécialisé à l’intérieur de la cellule eucaryote, un compartiment nommé chloroplaste (c’est un mot inventé au 19è siècle, du grec ancien khloros « vert » et plastos « façonné »).
Cette cellule eucaryote eut une multitude de descendants. Juste pour notre culture générale, voici présenté ci-dessous un arbre montrant sa progéniture (cliquez dessus pour l’agrandir)! Des êtres au nom étrange (Haptophytes, Euglénophytes etc.). La plupart sont en fait des algues, du phytoplancton, etc… : des organismes souvent mobiles et maritimes qui ne sont pas considérés comme étant des plantes.
Certains résultent d’une deuxième endosymbiose, d’autres ont perdu leurs chloroplastes au fil du temps, etc… Ceci illustre en tout cas l’énorme diversité du vivant sur notre Terre.
Les héritiers les plus connus se trouvent dans les deux rectangles verts : ce sont les algues vertes et les plantes terrestres, nos Plantes vertes. Nous y voilà enfin!
Les botanistes les appellent Viridiplantae (plantes vertes), Chlorobiontes (organismes verts), ou simplement Plantae. Elles apparurent à une date que plusieurs « horloges » moléculaires situent entre 700 et 1.500 millions d’années 1. Pas très précis, je vous l’accorde.
Quelles sont leurs caractéristiques? Reprenons notre microscope afin d’examiner une de leurs cellules. Elle apparaît d’emblée comme étant plus complexe que celles que nous avons examinées précédemment.
Bien sûr, vous remarquerez la présence de nombreux chloroplastes (n° 2 dans le schéma ci-dessus) qui permettent à la plante de fabriquer les éléments carbonés dont elle a besoin. Leur nombre varie de 1 à 100 selon les cellules. Mais vous avez maintenant compris que bien d’autres organismes eucaryotes possèdent également des chloroplastes. Cela ne suffit donc pas pour définir une Plante verte!
Il faut examiner en détail ces chloroplastes : ils utilisent des pigments pour absorber la lumière du soleil. C’est ici que des différences apparaissent : nos Plantes vertes emploient essentiellement les chlorophylles a et b. Les cyanobactéries et la plupart des autres organismes photosynthétiques emploient la chlorophylle a également, mais pas la b qui est remplacée par d’autres sortes de chlorophylles (c1, c2, d et f).
Vous avez peut-être relevé dans le schéma la présence d’autres compartiments appelés plastes (n° 6 dans le schéma). Comme les chloroplastes, ils sont également le résultat d’une endosymbiose, c’est-à-dire de l’absorption d’une cyanobactérie. On les retrouve chez tous les organismes chlorophylliens. Ce sont surtout des endroits de stockage.
Par exemple, les amyloplastes renferment les grains d’amidon, qui constituent la réserve d’énergie typique des Plantes vertes. Voici donc un autre critère discriminant qui permet de distinguer les Plantes vertes des autres organismes chlorophylliens. Sauf qu’il n’est pas valable chez les Astéracées (les Composées comme les pissenlits, les marguerites etc.)! Chez ces plantes l’amidon est remplacé par l’inuline, un autre sucre.
Notez que les amyloplastes peuvent se transformer en chloroplastes et inversement.

Comme toutes les Astéracées, l’Eupatoire chanvrine stocke son énergie non pas sous forme d’amidon, mais d’inuline
Autre particularité : nous retrouvons dans la cellule des Plantes vertes, contrairement à la cellule animale, une paroi (n°4 dans le schéma). Cette paroi consiste surtout en cellulose, formée de chaînes linéaires de glucose. Souvenez-vous : les champignons ont une paroi constituée de chitine, et celle des bactéries est faite de peptidoglycanes.
Attention : d’autres organismes possèdent également des parois de cellulose : des algues, des oomycètes etc…
Cette paroi est entrecoupée de petits canaux, appelés plasmodesmes (n° 5 dans le schéma), qui mettent les cellules en communication les unes avec les autres.
Un autre point important : la présence d’une grande vacuole (n° 3 dans le schéma) qui peut prendre 90 % de l’espace cellulaire!
La vacuole sert de poubelle à la cellule végétale, en stockant les déchets toxiques.
Mais surtout, en se remplissant d’eau, elle permet à la cellule de se gonfler et ainsi de donner de la rigidité à la plante (tige herbacée, feuilles). C’est le phénomène de turgescence.
En résumé, les Plantes vertes (Plantae ou Viridiplantae) sont des organismes eucaryotes, à paroi de cellulose, utilisant généralement les chlorophylle a et b pour la photosynthèse (les plantes parasites étant des exceptions), et stockant l’énergie sous forme d’amidon ou d’inuline.
Les premières Plantes vertes furent les Algues vertes; elles vivaient dans la mer. Toujours présentes actuellement, il y en aurait 8.000 espèces environ.
Parmi celles-ci des têtes brûlées se hissèrent sur la terre ferme. Elles évoluèrent peu à peu et se transformèrent en Plantes terrestres, appelées Embryophytes par les botanistes. Embryophyte vient du grec ancien embruon « embryon », et phuton « végétal ». En effet, les plantes terrestres se différencient des algues par le fait qu’après la fécondation, la plante mère protège et nourrit dans ses tissus un embryon pendant les premières étapes de son développement. Les Embryophytes furent et sont parfois encore dénommés Cormophytes, ce qui signifie « plantes à tige », du latin cormus « tige ».
Au sein des Embryophytes apparurent les mousses, les fougères, les conifères et finalement les plantes à fleur, soit au total 300.000 espèces environ. Mais ceci est une autre histoire!
Terminons cette odyssée par une réflexion tirée de l’Eloge de la Plante de Francis Hallé, un livre à lire absolument. Si vous vous croyez supérieur aux plantes, si vous pensez que l’être humain est le sommet de l’évolution, n’oubliez pas que votre ADN possède 26.000 gènes. Le riz en contient 50.000! Cette découverte a été une fameuse gifle pour les biologistes, qui demeurent pour la plupart des indécrottables zoocentristes.
Le généticien Axel Kahn trouve en revanche cela normal, car « le riz est plus évolué que l’homme : essayez donc de passer l’hiver le pied dans l’eau froide, à vous nourrir exclusivement de lumière, de soleil et de gaz carbonique. Vous n’y arriverez pas, car votre équipement génétique est insuffisant » 2.
Sources:
(1) : Ruhfel et al.; From algae to angiosperms–inferring the phylogeny of green plants (Viridiplantae) from 360 plastid genomes; BioMed Central Ltd; 2014
(2) : Francis Hallé; L’éloge de la Plante; Editions du Seuil; 1999