Quand on pense aux plantes, on imagine des organismes qui se suffisent (presque) à eux-mêmes : ils fabriquent leurs matières organiques à partir du gaz carbonique, d’eau et d’éléments minéraux contenus dans le sol, en utilisant l’énergie lumineuse. Mais chez les plantes aussi il y a des pique-assiettes! Les membres de la famille des Orobanchacées notamment. Dans le premier opus de la série que nous allons dédier à cette famille, nous vous présentons la Lathrée clandestine.
Les Orobanchacées
La famille des Orobanchacées comprend plus de 2.000 espèces. Tous les membres de cette famille (sauf une vingtaine) sont des plantes parasites, c’est-à-dire qu’elles vivent aux dépens d’autres plantes. En Belgique, on peut en rencontrer une quarantaine.
C’est le genre Orobanche qui a donné le nom à l’ensemble de la famille. Orobanche vient du grec ancien orobagkê, composé de orobos, orobe (une sorte de Gesse, famille des Fabacées ou légumineuses) et agkô, étrangler. C’est une référence au parasitisme de ces plantes.
Il y a parasites et parasites. Les holoparasites (du grec ancien holos « entier ») sont des parasites pures et dures, des voleuses professionnelles. Comme elles ont perdu leur chlorophylle et sont donc incapables de pratiquer la photosynthèse, elles sont obligées pour vivre de prélever sur d’autres plantes les composés organiques dont elles ont besoin.
La Lathrée clandestine (Lathraea clandestina)
Une plante holoparasite que l’on rencontre parfois chez nous, au printemps et dans les zones humides, est la Lathrée clandestine (Lathraea clandestina).
Son nom vient du grec lathraïos qui signifie caché. C’est une référence à sa tige qui est souterraine (cela s’appelle un rhizome) et donc invisible. Remarquez en passant que « Lathrée clandestine » est une redondance, linguistiquement parlant!
On ne la voit que lors de la floraison, qui a lieu au printemps (de mars à mai environ).
Elle vit aux dépens d’un arbre. Ce peut être un arbre des lieux humides comme un saule, un aulne, un peuplier, mais ce peut être aussi un chêne ou un noisetier.
La Lathrée fixe sur les racines de l’arbre des suçoirs et crée des petits canaux lui permettant de prélever un peu de la sève de l’arbre dont elle a besoin pour se nourrir.
La Lathrée clandestine est une voleuse pas trop méchante. Elle ne semble en effet pas causer de grands dommages à son arbre hôte.
Sur la photo ci-dessous, vous verrez que la corolle se compose de deux lèvres.
La lèvre supérieure (n° 1) forme un capuchon. La lèvre inférieure (n° 2) se compose de trois lobes. Le long style (n° 3) dépasse nettement le lobe supérieur et se termine par le stigmate (n° 4) qui recueillera les grains de pollen.
Les quatre étamines (les organes mâles qui produisent le pollen) sont nettement plus courts que le style et sont cachés à l’intérieur de la corolle. Mais on peut toutefois les apercevoir à la fin de la floraison, lorsque les pétales se décomposent.
Il faut reconnaître que les fleurs de la Lathrée clandestine ne sont pas jolies, jolies à contempler lorsqu’elles fanent! Est-ce pour cette raison que certains botanistes pensent qu’elle serait carnivore? En réalité, des scientifiques émirent cette hypothèse au début du 20è siècle, mais pour une autre raison. La tige souterraine porte des écailles qui forment des cavités tapissées de poils. Ces poils lui permettraient peut-être de capturer des insectes. Mais cette supposition n’a jamais été confirmée par la suite 1 – 2.
Ce qui est sûr en revanche, c’est que la Lathrée clandestine possède, à la base du style, des glandes qui produisent un nectar assez spécial : il a un goût d’ammoniac! Cela pourrait être un mécanisme de défense contre les fourmis et certains oiseaux. Les fleurs étant au niveau du sol, ces derniers pourraient être tentés de dérober ce nectar sans polliniser pour autant la plante. Le vrai pollinisateur « agréé » par la Lathrée est le bourdon 2.
En Belgique, la Lathrée clandestine peut être observée surtout dans deux régions : les « Ardennes flamandes » (autour d’Audenarde et de Zottegem), et au sud et à l’est de Bruxelles (notamment dans la vallée de la Woluwe).
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