L’éclairage public avance le printemps

Une hirondelle ne fait pas le printemps, dit le proverbe, mais l’éclairage public l’avance de presque une semaine. C’est le résultat d’une étude publiée par l’Université d’Exeter


On savait déjà que l’éclairage public perturbait les animaux. Une étude de l’Université d’Exeter montre qu’il accélère également le débourrement des bourgeons des arbres . Ceux-ci s’ouvrent désormais jusqu’à une semaine plus tôt qu’auparavant 5.

Un bourgeon de hêtre en janvier

Le bourgeon fusiforme du hêtre en janvier

Les chercheurs ont utilisé 13 années d’observations réalisées par des volontaires de Grande-Bretagne qui avaient noté chaque année la date d’apparition des premières feuilles des hêtres, des frênes, des chênes et des érables. Ils ont ensuite croisé ces données avec les températures et les images satellite montrant l’éclairage artificiel. Ils ont dû ensuite séparer l’effet induit par l’éclairage de celui provoqué par la température (plus élevée dans les villes).


La lumière est vitale pour les plantes : elles l’utilisent bien sûr comme énergie lors de la photosynthèse pour fabriquer leurs matières organiques et croître.
Mais la lumière et ses variations (journalières et saisonnières) sont aussi pour les végétaux une source d’informations indispensables : elles leur indique notamment dans quelle direction ils doivent pousser, comment ils  doivent disposer leurs feuilles dans l’espace, quand ils doivent bourgeonner et produire leurs fleurs, germer etc.

Les variations de lumière sont vitales pour les plantes

Les végétaux perçoivent la lumière par des récepteurs qui sont répartis dans tous leurs organes (tiges et feuilles).
Les informations captées par ces récepteurs sont ensuite transmises aux diverses parties de la plante via des messagers chimiques, des substances souvent appelées phytohormones.
Ceci permet donc à la plante de réagir aux variations de son environnement. C’est un dispositif qui a une fonction analogue au système nerveux des animaux.


On connait encore assez mal la perception de la lumière chez les végétaux.

Contrairement aux animaux, ils n’ont pas d’organes dédiés à cette fonction, pas d’yeux, pas de vision comme nous l’entendons habituellement. Comme le disait Francis Hallé : « c’est fort heureux. On imagine quelle frustration ce serait de voir … le prédateur et de ne pouvoir ni s’enfuir, ni même se cacher! » 1

Les végétaux perçoivent la lumière par des récepteurs qui sont répartis dans tous leurs organes (tiges et feuilles). Ces récepteurs sont des protéines, de grosses macromolécules présentes dans toutes les cellules vivantes et ayant une structure complexe.
Les protéines assurent beaucoup de fonctions au sein des cellules : certaines sont des catalyseurs de réactions, d’autres ont un rôle de transport etc.

C’est en 1959 qu’on a découvert que quelques protéines spécifiques permettaient aux plantes de percevoir la lumière rouge : elles furent appelées phytochromes 3.

Structure d’un phytochrome © Jmol Development Team via Wikimedia Commons

Les phytochromes permettent à une plante de détecter l’ombre due à la végétation environnante

Plus précisément, les phytochromes détectent le rapport entre la quantité de rouge et la quantité de rouge sombre dans la lumière reçue, ce qui est un bon indice de la qualité de l’éclairement (plein soleil ou ombre).

Une plante est donc capable de déceler la présence de ses voisins, à cause de l’ombre que ceux-ci génèrent.

Depuis lors les biologistes ont découvert plusieurs autres protéines qui sont elles sensibles à la lumière bleue et aux UV. Ce sont notamment les cryptochromes et les phototropines.


Aussi étonnant que cela paraisse, les plantes possèdent des récepteurs même dans leurs racines 2 4!
Ces récepteurs perçoivent la lumière qui a d’abord été captée par la plante au-dessus du sol et qui est ensuite diffusée vers les racines par les vaisseaux conducteurs de la tige.
L’utilité de ces récepteurs racinaires n’est pas encore bien comprise. Les scientifiques supposent que cela permettrait à la plante une meilleure allocation des ressources puisées par les racines (eau, éléments minéraux) entre les différentes parties du végétal.


Les informations captées par les photorécepteurs sont ensuite transmises aux divers organes de la plante via des messagers chimiques, des substances organiques souvent appelées phytohormones (bien qu’elles ne soient pas comparables à des hormones animales). Ces messagers ont pour nom auxine, éthylène, cytokinines, acide salicylique, etc.
La concentration relative de ces différentes substances dans un organe du végétal va entraîner une réponse déterminée (stimulation ou bien inhibition de la croissance, de la floraison etc.) qui peut être différente selon l’organe et selon l’espèce.

L’auxine joue entre autres un rôle important lors de la fructification. Ici : siliques d’une Cardamine des bois (Cardamine flexuosa)


Est-ce grave docteur, si les arbres débourrent plus tôt?
Oui, cela peut être grave pour des animaux dont le cycle de vie dépend de celui des arbres.  C’est le cas de beaucoup d’insectes dont les larves se nourrissent de jeunes feuilles.
Si ces feuilles apparaissent plus tôt au printemps, les larves n’auront plus comme nourriture que des feuilles plus âgées, bourrées de tanins (les tanins sont des substances élaborées par les plantes qui leur servent de défenses chimiques contre les herbivores). 

Et si ces insectes périclitent, les oiseaux insectivores déclineront à leur tour, de même que leurs prédateurs …

 


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Sources :

1 : Francis Hallé; L’éloge de la plante; Editions du Seuil; 1999
2 : Candace Galen et al.; Light-Sensing in Roots; Plant Signaling & Behavior; Mars 2007
3 : Wikipedia; Phytochrome; Novembre 2016
4 : Max Planck Institute For Chemical Ecology; Plant roots in the dark see light; EurekAlert!; Novembre 2016
5 : L’éclairage public précipite le printemps et le réveil des arbres; Sciences & Avenir; Juillet 2016

 

 

A propos La gazette des plantes

La gazette des plantes, un blog qui part à la découverte des végétaux qui nous entourent en Belgique
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