Pourquoi les plantes tropicales déploient-elles des feuilles beaucoup plus grandes que les végétaux établis dans nos régions ou en altitude? Ce mystère qui empêchait les botanistes de dormir depuis plus d’un siècle vient d’être résolu par une étude internationale.
Sous les Tropiques, les plantes ont souvent des feuilles très grandes. Prenez les bananiers ou les palmiers par exemple. Les feuilles du bananier peuvent mesurer jusqu’à trois mètres de long et 60 centimètres de large.
Comparez avec les feuilles de notre Patience aquatique (Rumex hydrolapathum), qui ne sont pourtant pas minuscules. Mais elles atteignent péniblement 1 m de long.
Les scientifiques avaient déjà remarqué qu’en été les grandes feuilles chauffent plus vite, et nécessitent par conséquent une plus grande consommation d’eau afin d’assurer leur refroidissement par transpiration. Cela explique que les plantes vivant dans des milieux arides ont souvent de petites feuilles.

L’Euphorbe des dunes (Euphorbia paralias) qui pousse dans les dunes a de petites feuilles (3 cm de long)
En revanche, une feuille de bananier peut devenir gigantesque parce que les bananiers poussent dans des endroits très chauds et très humides.
On pensait donc jusqu’à présent que la taille des feuilles était limitée par la conjonction de deux contraintes : le risque de surchauffe dû à une température diurne élevée d’une part, et la quantité d’eau disponible d’autre part.
Cependant, cette hypothèse n’expliquait pas pourquoi on ne trouve pas de grandes feuilles dans des climats relativement froids et humides.
Une nouvelle étude vient d’être publiée dans la revue Science. Elle a révélé un troisième facteur qui limite la taille des feuilles : le risque de gel durant la nuit, et les dommages qui en résulteraient pour les feuilles.

La plupart de nos arbres, à l’exception des conifères, perdent leurs feuilles en hiver par peur du gel (Bois Sainte Catherine à La Roche en Brabant wallon)
Les molécules d’air adhèrent à la surface de n’importe quel objet, que ce soit une feuille, un animal ou un avion. Ces molécules créent une fine couche entourant l’objet, appelée couche limite, qui l’isole quelque peu de son environnement.
Une grande feuille a une couche limite plus épaisse qu’une petite. Cette couche d’air plus épaisse diminue la capacité de la feuille à puiser durant le jour de la chaleur dans son environnement, chaleur qui serait pourtant nécessaire pour compenser les pertes d’énergie par rayonnement dans le ciel nocturne. Les grandes feuilles sont par conséquent plus vulnérables au refroidissement nocturne.
La recherche, dirigée par l’Université Macquarie de Sidney et comprenant des chercheurs de l’Imperial College de Londres, a été publiée dans la revue Science.