Tout comme nous, les plantes ont besoin d’eau pour survivre, mais cela ne signifie pas pour autant qu’elles apprécient une bonne averse.
Des chercheurs viennent en effet de montrer que lorsque les premières gouttes touchent leurs feuilles, les plantes entrent dans un état proche de la panique…
Cela paraît à première vue étrange puisque l’eau est indispensable à la vie des plantes, comme à celle des autres êtres vivants.
La pluie est en fait la principale cause de propagation des maladies entre les plantes.
Les agriculteurs savent depuis bien longtemps que des fortes pluies amènent souvent des épidémies dans les cultures. Par exemple, des champignons connus sous le nom de « rouille » peuvent se développer après des précipitations intenses et détruire partiellement ou complètement des récoltes. Les mécanismes à l’oeuvre n’étaient cependant pas bien connus jusqu’à récemment.
En 2015, une équipe composée de chercheurs du MIT (Massachusetts Institute of Technology) et de l’Université de Liège a filmé des gouttes de pluie s’écrasant sur des feuilles de tailles et de formes variées. Comme vous pouvez le voir sur la vidéo ci-dessous, ces gouttes, en heurtant la feuille, catapultent de multiples gouttelettes à de grandes distances, parfois jusqu’à 10 mètres 1.
Or, ces gouttelettes peuvent renfermer de nombreux pathogènes (des bactéries, des virus ou des spores de champignons) qui se trouvaient sur la surface foliaire. Elles vont alors disperser ces pathogènes aux alentours et leur permettre d’atteindre les plantes avoisinantes. Vous pouvez comparer cela à une personne qui éternue ou qui tousse dans une rame de métro à l’heure de pointe pendant une épidémie de rhume ou de grippe.
Dès les premières gouttes de pluie, la plante active ses mécanismes de défense.
En 2019, une autre équipe, comprenant des scientifiques de l’Université d’Australie occidentale (UWA) et de l’Université de Lund en Suède, a pulvérisé de l’eau sur des plantes, imitant l’effet de la pluie. Les chercheurs ont remarqué que dès que les premières gouttes touchent la plante, une protéine appelée Myc2 est activée. Cette protéine déclenche une réaction en chaîne : des milliers de gènes entrent alors en action afin d’organiser les moyens de défense de la plante 2.
Une réponse immédiate et qui consomme beaucoup d’énergie.
Tout ceci ne doit pas nous étonner : nous avions déjà appris récemment que le moindre contact d’un humain, d’un insecte ou d’un autre végétal déclenche des réponses importantes dans une plante. Par exemple, elles « entendent » lorsqu’elles sont mastiquées par des insectes, et libèrent alors des produits chimiques pour les arrêter.
À ce sujet, lisez ou relisez l’article intitulé Chantez mais ne touchez pas les plantes !
Les plantes avertissent leurs voisines.
L’une des substances produites par la plante en réponse à la pluie est l’acide jasmonique. Cette hormone végétale fait partie du système d’alarme et de défense de la plante. L’acide jasmonique est notamment libéré pendant l’attaque d’un insecte ou d’un pathogène, ainsi que lors d’une perturbation mécanique, comme par exemple … la pluie. 3.
On l’appelle jasmonique parce qu’il a d’abord été découvert chez Jasminum grandiflorum, le Jasmin d’Espagne. Il est abondamment employé en parfumerie.
L’un des dérivés de l’acide jasmonique est le jasmonate de méthyle (MEJA). Celui-ci peut se propager dans l’air et permet aux plantes d’avertir leurs voisines et les incite à activer leurs propres moyens de défense. Elles seront par conséquent moins susceptibles de propager les maladies, ce qui est évidemment bénéfique pour l’ensemble des individus 4.
La pluie n’est certes pas mortelle pour les plantes, mais elle amène cependant des risques sérieux. Autant s’en protéger efficacement.
Les changements induits par l’arrivée de la pluie sont momentanés.
Les nombreuses modifications engendrées par l’arrivée de la pluie ne durent que vingt-cinq minutes environ. L’expression des gènes concernés cesse ensuite et tout redevient normal. Mais si ces circonstances se répètent trop fréquemment, cela peut entraîner un retard dans la croissance de la plante et une floraison tardive.
Sources :
1 : Jennifer Chu ; Splash down : High-speed images capture patterns by which raindrops spread pathogens among plants ; MIT News Office ; février 2015 ↑
2 : Why plants panic when it rains ; Scimex ; 29 octobre 2019 ↑
3 : On nous attaque: le système de défense des plantes vu de l’intérieur ; Archives des actualités de l’INSB ; CNRS ; 1 janvier 2015 ↑
4 : Carly Cassella ; In an Unexpected Twist, Plants Enter a Type of ‘Panic’ State When It Rains ; Sciencealert ; 2 novembre 2019 ↑
Ces mécanismes de défense et de communication entre plantes sont incroyables. Fabuleux et passionnant !!! Merci pour cet article très intéressant et ce partage.
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Magnifique ! Voilà qui pourrait expliquer l’explosion du mildiou sur les pommes de terre et les tomates après une pluie.
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Merci pour ce régal littéraire et scientifique. Voilà pourquoi il ne faut pas planter les plants de tomates trop prêts les uns des autres pour ne pas propager les maladies. Comme nous les plantes ont besoin d’espaces entre voisins pour se sentir bien. La promiscuité des villes engendrent l’agressivité.
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C’est passionnant. Cependant, le sujet pose autant de questions que de réponses.
Quand il pleut, les plantes n’ont pas spécialement besoin d’avertir leurs voisines ; la situation est générale. Si l’hormone gazeuse se propage dans l’air, je pense que c’est plutôt pour que tous les organes de la plante réagissent rapidement, même si ça se propage aux voisines. D’autre part, il y a souvent du vent en cas de pluie, donc les gaz risquent de ne pas arriver à l’endroit souhaité.
Une autre question est que, si la durée de réaction des plantes est tellement courte, est‐ce suffisant ? En effet, l’humidité des gouttes d’eau pouvant propager des attaques fongiques dure nettement plus après une pluie.
Qui plus est, il y a aussi des espèces, notamment tropicales, qui ont besoin d’une atmosphère chargée en humidité et qui poussent mieux en appartement si on pulvérise de l’eau régulièrement sur leurs feuilles.
On sait désormais qu’il existe des champignons non seulement au niveau des racines, mais aussi dans les organes végétatifs (il y a des études en cours au MNHN de Paris). Quelle serait la différence entre ces champignons symbiotiques présents et l’anticipation d’un champignon pathogène ?
De plus, le terme « panique » est certainement excessif, pour ne pas dire anthropocentrique. Il y a des milliers de réactions chimiques qui se passent tout le temps en présence de normale de lumière, d’humidité, de la gravitation, du vent, des insectes, des champignons, et tout autant quand les mêmes conditions sont anormales, quand un stress se présente.
Une seule étude sur une seule espèce, en laboratoire et avec un pulvérisateur n’est malheureusement pas suffisante pour tirer une conclusion sur la vie réelle.
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