Une plante venue du Sud

Voici la réponse à notre devinette de juin. C’est l’occasion de commencer une nouvelle série, qui sera consacrée aux plantes qui nous viennent du Sud. Que ce soit à cause du réchauffement climatique, des retours de vacances ou encore des transports de marchandises, nous observons de plus en plus d’espèces qui remontent vers le Nord. Et certaines d’entre elles semblent bien s’acclimater chez nous. Sera-ce le cas de notre plante mystérieuse, l’avenir nous le dira… 


La devinette

Voici la première photo que nous avions montrée.

Qu’observons-nous ? Des fleurs minuscules, disposées en grappes. Des feuilles opposées, fortement dentées.
Beaucoup d’entre vous ont fait le rapprochement avec les Orties (genre Urtica), dont le représentant le plus commun dans nos régions est la Grande ortie (Urtica dioica). Vous avez eu raison !

Grande ortie (Urtica dioica)

Mais de quelle Ortie s’agit-il ? Quatre espèces appartenant au genre Urtica sont ou ont été observées en Belgique depuis le début du 21e siècle. Deux sont autochtones : la Grande ortie ou Ortie dioïque (Urtica dioica), de loin la plus répandue, et l’Ortie brûlante (Urtica urens). L’Ortie à membranes (Urtica membranacea) et l’Ortie à pilules (Urtica pilulifera) sont très rares. Et pour cause, elles sont méditerranéennes !

Tournons-nous vers la seconde photo présentée. La flèche vous indique le détail révélateur.

L’axe portant les fleurs mâles est élargi de chaque côté par une aile membraneuse.

Félicitations aux gagnants ! Et merci à toutes les personnes qui ont participé.


Description de la plante

Les fleurs des Urticacées ne sont pas hermaphrodites mais unisexuées. Elles peuvent être portées par des plantes monoïques ou dioïques.
Chez les espèces dioïques, un individu ne possède que des fleurs soit mâles, soit femelles. C’est le cas de la Grande ortie, dont le nom scientifique est d’ailleurs Urtica dioica.
Les 3 autres Orties de Belgique sont monoïques : les fleurs mâles et les fleurs femelles se retrouvent sur le même pied, mais à des endroits différents.

Les fleurs mâles de l’Ortie à membranes se trouvent aux étages supérieurs. Elles sont petites (1 mm de diamètre) et forment de longues grappes. Comme nous l’avons vu ci-dessus, elles sont insérées sur un axe élargi de chaque côté par une membrane.

Les membranes d’Urtica membranacea

Les fleurs femelles peuplent les grappes inférieures, courtes et plutôt cylindriques.

Grappes de fleurs femelles

Les feuilles sont assez grandes et opposées, ovales et aux bords dentés.

Face inférieure des feuilles

Et bien sûr les feuilles et la tige sont pourvues de beaux poils urticants ! C’est une Ortie, après tout !

C’est une plante annuelle et dressée mais qui ne monte pas très haut, ne dépassant pas 80 cm. Elle est donc nettement plus petite que l’Ortie dioïque qui peut atteindre 2 m.


Habitat et distribution

L’Ortie à membranes, comme les autres membres du genre Urtica, adore les sols riches en nitrates. Mais il lui faut en outre un climat chaud et un sol alcalin.
Pour ces raisons, on ne la trouve normalement que sur le pourtour de la Méditerranée, ainsi qu’aux Açores et à Madère. Et elle pousse de préférence dans les décombres ou au pied des vieux murs.
Les populations permanentes les plus septentrionales se trouvent en Bretagne, dans le Finistère.

Une espèce en expansion vers le nord

Les premières observations d’Urtica membranacea en Belgique remontent à 2008 et concernaient des jardineries. Il s’agissait d’individus découverts parmi des lots d’autres plantes provenant du bassin méditerranéen 1.

En avril 2011 quelques pieds furent trouvés à Gand, au pied d’une façade. Bien que ces pieds, considérés comme des « mauvaises herbes », furent régulièrement enlevés, la plante se maintint au même endroit jusqu’en 2017.
Ces cinq dernières années, elle a aussi été vue à Bruges, à Anvers, à Bruxelles et à Landen, soit 11 stations au total.

Observations en Belgique entre 2016 et 2021

Trois stations ont été répertoriées à Bruxelles. Les photos présentées dans cet article ont été prises sur la commune d’Etterbeek, dans plusieurs tours d’arbres non entretenus.

Urtica membranacea à Bruxelles, en janvier 2021

La Belgique n’est pas un cas isolé : l’Ortie à membranes est signalée aux Pays-Bas, en Angleterre, en Allemagne et même dans le sud de la Suède, comme le montre la carte ci-dessous !


Les vecteurs d’introduction

Personne ne le sait. Divers mécanismes sont envisageables. Les graines pourraient avoir fait de l’auto-stop, dans les voitures de touristes revenant du Sud. Ou bien avoir accompagné des marchandises provenant des pays méditerranéens.

Un acteur important pourrait être le commerce horticole, comme mentionné plus haut. L’importation d’oliviers, de palmiers, de figuiers et d’agrumes s’est considérablement développée durant les dernières décennies. Ces plantes sont cultivées en pleine terre en Europe du Sud (Espagne et Italie). Après avoir atteint une certaine taille, elles sont transplantées dans des bacs et transportées vers l’Europe occidentale. Mais elles n’arrivent pas seules !

Lors d’un inventaire réalisé en 2008 dans plusieurs dizaines de jardineries belges, plus de 120 espèces de plantes ont été trouvées dans ces bacs, dont 23 n’avaient jamais été vues en Belgique auparavant. L’Ortie à membranes en faisait partie 2.
Des résultats semblables ont également été obtenus aux Pays-Bas.


Une floraison plus précoce dans le Nord

Terminons par un point surprenant. Alors que la floraison de l’Ortie à membranes s’étale de mars à août dans le Midi, certains plants bruxellois étaient déjà en fleurs en janvier. Le même phénomène a été constaté à Amsterdam.


Sources :

1 : Antoon De Rycke, Wouter Van Landuyt en Ivan Hoste ; Mediterrane brandnetels in Gent : Urtica pilulifera en Urtica membranacea ; Dumortiera ; Jardin botanique de Meise ; n° 100 ; 2012

2 : R. Beringen, F. Reijerse & B. Odé ; Zuidelijke brandnetel, een mediterrane verstekeling ; Kijk op Exoten ; volume 3 ; n° 3 ; p. 6-7 ; 2015

A propos La gazette des plantes

La gazette des plantes, un blog qui part à la découverte des végétaux qui nous entourent en Belgique
Cet article, publié dans Cité des plantes, Détente et botanique, Les sudistes, est tagué , . Ajoutez ce permalien à vos favoris.

Un commentaire pour Une plante venue du Sud

  1. Cerise dit :

    Très intéressant, bien ecrit et richement illustré, comme toujours ! Merci ! Cerise.

    J’aime

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur la façon dont les données de vos commentaires sont traitées.