Les naturalistes admettent généralement que la restauration de zones humides augmente la biodiversité et que les terrains réhabilités finissent par ressembler aux sites naturels.
Une étude danoise révèle cependant que la richesse en espèces végétales demeure extrêmement faible plusieurs années après la restauration. Celle-ci ne suffit donc pas, d’autres solutions doivent être mises en œuvre.

Au Danemark, plus de 200 zones humides ont été restaurées au cours des 25 dernières années. Les objectifs des autorités danoises étaient doubles : réduire le ruissellement d’engrais (azotés et phosphorés) provenant des cultures vers les cours d’eau et accroître la biodiversité.
L’espoir avoué était de voir refleurir en abondance des espèces végétales qui se sont raréfiées dans ce pays au cours des dernières décennies, telles que les orchidées des marais (Dactylorhiza sp., Epipactis palustris), les Trolles, certains Carex et même le Silène fleur-de-coucou (Lychnis flos-cuculi).
Nous savons que la restauration des zones humides peut atténuer les effets du changement climatique en rétablissant la séquestration du carbone par la tourbe. Elle peut aussi réduire l’eutrophisation des masses d’eau.
Mais les informations sont rares en ce qui concerne les résultats de ces initiatives et notamment le rythme de la restauration. Une étude conduite par une doctorante de l’université de Copenhague a donc tenté de pallier ce manque de connaissance.
Les chercheurs ont évalué les résultats de 10 projets, couvrant 859 ha, et réalisés dans une partie du bassin de la rivière Odense, sur l’île de Funen. La réhabilitation avait consisté à supprimer ou à déconnecter les drains ainsi qu’à rétablir les méandres des cours d’eau qui avaient été rectifiés des décennies auparavant.

L’équipe de Copenhague a en premier lieu décrit les communautés végétales des sites restaurés et ensuite comparé ces communautés à celles qui caractérisent les zones humides naturelles du Danemark.
L’enquête a montré qu’après 17 années de régénération, ces zones humides restent désespérément pauvres du point de vue botanique.
Elles comptent en moyenne 9,5 espèces (plantes vasculaires et bryophytes) pour quatre mètres carrés, soit quatre fois moins que les lieux humides « naturels ». Aucune différence significative n’a en outre été relevée entre les terrains dont la remise en état a commencé il y a 7 ans et ceux en cours de réhabilitation depuis 17 ans.
« Les zones restaurées montrent toutes une très faible diversité végétale, et les quelques plantes qui y poussent sont si communes qu’elles ne présentent que peu d’intérêt pour ce qui est de la biodiversité » explique Marta Baumane, biologiste et auteure principale de l’étude publiée dans la revue Science of the Total Environment 1.

dites « améliorées »
Les chercheurs danois ont trouvé que les groupements caractéristiques des jachères humides (Agrostide stolonifère, Renoncule rampante …), des prairies améliorées (Ray-grass commun, Fléole des prés …) et des roselières sont particulièrement abondants dans les sites réhabilités. En revanche, ceux des milieux plus naturels (prairies humides, bas-marais alcalins …) sont plus rares.
Les bas-marais sont en contact avec la nappe d’eau souterraine qui contient également des substances nutritives: ils sont donc plus riches qu’un haut-marais, alimenté uniquement par l’eau de pluie. À l’inverse d’une tourbière qui est essentiellement acide, un bas-marais peut-être acide ou alcalin.

une population de Pédiculaires des marais (de teinte pourpre)
Conclusions
Selon les scientifiques de l’université de Copenhague, cette faible biodiversité s’explique par les quantités élevées de nutriments, provenant des champs voisins, qui continuent de se déverser dans les zones restaurées. Celles-ci sont contigües à des terres arables, et l’apport d’azote varie de 24 à 396 kg/ha/an.
Les infiltrations de matières azotées et phosphorées sont sans aucun doute le principal problème à résoudre.
Si ce phénomène n’est pas stoppé ou du moins grandement atténué, tous les efforts de restauration pourraient s’avérer vains.

une belle orchidée rare.
On la trouve notamment dans les bas-marais alcalins,
à condition qu’il n’y ait pas d’apports de nutriments azotés
d’origine agricole.
Dans le cas où cet écueil pourrait en fin de compte être évité, il conviendrait alors d’envisager un étrépage de la couche superficielle du sol afin d’en éliminer l’excès de nutriments.
L’étrépage consiste à enlever la couche superficielle du sol. L’objectif de cette pratique est de reconstituer un sol plus pauvre en nutriments et par conséquent de favoriser la biodiversité.
Mais Marta Baumane met en évidence un autre obstacle important à l’accroissement de la biodiversité dans ces milieux qui ont subi des pratiques agricoles intensives pendant des décennies :
la plupart des semences des espèces indigènes ont disparu du sol, et leur capacité de dispersion à partir de sources éloignées est très réduite.
Il serait dans ce cas nécessaire de procéder à un réensemencement des sites. C’est une technique dont nous avons déjà parlé dans le billet « Les plantes rares disparaissent…Un jeune botaniste veut les sauver ».

Il a déjà fait l’objet de réintroduction en Angleterre.
Source :
1 : Marta Baumane et al. ; Danish wetlands remained poor with plant species 17 years after restoration ; Science of The Total Environment ; Volume 798, 1 décembre 2021 ↑