Cladonia portentosa, un lichen sur un sol pollué


Pour ce premier billet de 2016, La Gazette des Plantes ne craint pas le paradoxe : elle vous emmène en effet dans une réserve naturelle au sol pollué par des métaux lourds! Nous y ferons la connaissance d’un lichen. Vous ne savez pas ce qu’est un lichen? Rassurez-vous : c’est le cas de la majorité des gens. La Gazette va donc vous l’expliquer, pour que vous puissiez briller en société.


La réserve naturelle de Sclaigneaux

Elle est située sur le plateau dominant la rive gauche de la Meuse, sur le territoire de la commune d’Andenne, entre Namur et Huy.

Les rochers de Sclaigneaux

A cet endroit, succédant aux célèbres falaises de Marche-les-Dames, ce sont les rochers de Sclaigneaux qui dominent la Meuse.

Sur le plateau se trouve une réserve naturelle gérée par Natagora. Cette réserve doit son existence à la pollution! En effet, on y a extrait pendant des siècles du plomb et du zinc. Et au 19è siècle cette exploitation devint industrielle avec la construction dans la vallée de nombreux fours à zinc dont les cheminées aboutissaient au sommet. Elles rejetèrent ainsi sur les alentours et pendant des dizaines d’années des fumées toxiques incluant des métaux lourds (plomb, zinc et cadmium).

Réserve naturelle de Sclaigneaux : pelouses calcaires où poussent seulement quelques bouleaux pionniers

Ces rejets cessèrent après la seconde guerre mondiale, mais les paysages ouverts du plateau  témoignent que les sols y sont encore pollués. Et c’est cela qui rend ce site extrêmement intéressant : on y trouve de fait des plantes assez rares qui ont la particularité de vivre sur des sols riches en métaux lourds. Elles sont appelées calaminaires (la calamine est l’un des minerais de zinc).


C’est sur une pelouse autrefois aride mais reconquise progressivement par les bouleaux (et par les buddleias, une espèce invasive) que nous avons vu ce qui ressemblait à des touffes d’herbes.

Pelouse couverte de Cladonia portentosa

Cela ressemble à de l’herbe, mais ce n’est pas de l’herbe. C’est un lichen…


Les lichens

Punctelia subrudecta, un lichen poussant souvent sur les branches des feuillus

Qu’est-ce donc qu’un lichen?

Un lichen n’est pas une plante à fleurs, ce n’est pas non plus une mousse avec laquelle on le confond souvent. En réalité, ce n’est pas un être vivant, mais deux! C’est un mariage. Aline Algue savait bien cuisiner, mais son logement n’était pas confortable. Gaston Champignon possédait une belle maison, mais ne savait pas préparer de bons petits plats. Ils se sont rencontrés, se sont plus et se sont mariés.
Un lichen, c’est en fait une association, une symbiose entre un champignon et une algue.

L’association est indispensable au champignon, mais ne l’est généralement pas pour l’algue qui peut exister sans lui (elle revêt dans ce cas une forme complètement différente).
L’algue fournit au champignon les molécules organiques qu’elle fabrique par photosynthèse, et le champignon lui rend en retour des matières azotées qu’il fabrique plus rapidement qu’elle. Surtout, en retenant l’eau dans ses tissus, il protège l’algue du dessèchement.


Lecanora dispersa, un lichen poussant sur les roches calcaires

Les lichens sont probablement les créateurs de nos sols.
Jadis, les terres émergées ne consistaient qu’en des roches nues. Si elles avaient déjà existé à cette époque, les graines des plantes actuelles ou même les spores des mousses n’auraient jamais su s’y développer, n’y trouvant aucun moyen de subsistance.
Toutefois,  certaines algues sortant de la mer parvinrent à vivre à leur surface, utilisant seulement la lumière et l’humidité. Ensuite, certains champignons vinrent les envelopper. En se fixant à la roche pour y puiser les sels minéraux, ils  réussirent à la désagréger. Les fragments de roche et les débris des lichens primitifs formèrent progressivement une couche sur laquelle purent prospérer les mousses, et plus tard les plantes à fleurs.

Les lichens peuvent résister à des conditions extrêmes. En 2005, deux espèces de lichens furent envoyées dans l’espace et exposées au vide durant deux semaines. Cela signifie : dessiccation, températures très basses, rayons UV intenses et rayonnements ionisants. De retour sur Terre et après réhydratation, on constata qu’ils avaient survécu!

Source : Wikipedia, Lichen, 22/11/2015

Cladonia portentosa

C’est un lichen spectaculaire car il forme de petits buissons pouvant atteindre 10 cm de hauteur et plus. Comme d’autres espèces voisines, il est fréquemment appelé lichen des rennes, car ceux-ci le consomment volontiers.

Touffe de Cladonia portentosa

On peut le rencontrer sur des terrains bien exposés, où la végétation est rase : des landes acides, des rochers ou des clairières. Il est assez courant en Campine et en Ardenne, rare dans la vallée mosane (sauf justement à Sclaigneaux où on l’observe régulièrement) et très rare ailleurs.

Observations_Cladonia

Les observations récentes de Cladonia portentosa (1/1/2001 – 1/1/2016) sur le site Observations.be

Sources :
Observations.be
– Lichens of Belgium, Luxembourg and northern France

Cladonia portentosa forme des petits coussins assez denses : ce sont des entrelacs de petites « tiges » qui se ramifient dans tous les sens.

Un coussin de Cladonia portentosa

Le genre Cladonia comprend d’autres lichens très semblables à Cladonia portentosa. On peut par exemple aussi trouver chez nous la Cladonie ciliée (Cladonia ciliata), moins répandue et dont les ramifications sont moins complexes que celles de C. portentosa. Pour différencier avec certitude deux lichens semblables, il faut souvent recourir à une analyse chimique.

Cladonia portentosa

A propos La gazette des plantes

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