La Douce-amère engage des gardes du corps!

La Douce-amère est visible un peu partout actuellement. Vous la reconnaîtrez facilement avec ses pétales violets réfléchis vers l’arrière.
Mais savez-vous qu’elle a engagé des gardes du corps pour se défendre contre ses agresseurs?


Description

La Douce-amère (Solanum dulcamara) est vraiment très facile à reconnaître : sa fleur possède 5 pétales violets, recourbés vers l’arrière et exposant au centre un cône jaune semblable à une banane. Ce cône est composé des 5 étamines. Il est ouvert au sommet et laisse passer le long style du pistil (l’organe femelle) terminé par le stigmate qui récoltera les grains de pollen.
La floraison se déroule de juin à septembre.

Les 5 pétales violets sont recourbés vers l’arrière


Après la fécondation, la fleur donnera des baies. Elles seront d’abord vertes et très toxiques, voire mortelles pour des enfants, puis elles deviendront rouges en mûrissant (d’août à octobre), et un peu moins toxiques. Elles contiendront alors 15 à 20 graines.

Les baies jeunes

Les baies mûres

Les baies de la Douce-amère sont toxiques pour les mammifères, mais pas pour les oiseaux (merles, mésanges, fauvettes, etc…) qui se chargent par conséquent de les disséminer. C’est un exemple d’ornithochorie, la dispersion des graines par les oiseaux (du grec ancien órnithos « oiseau » et  khôrein « se mouvoir »).


Classification

La Douce-amère fait partie des Solanacées, et la toxicité est une caractéristique bien connue des plantes de cette famille!
Ce ne sont pas seulement les baies, mais c’est toute la plante qui est toxique. Elle renferme des alcaloïdes (des solanines), qui sont responsables de troubles rénaux, neuromusculaires et cardio-respiratoires. Elle fut pourtant autrefois utilisée comme plante médicinale, par exemple en infusion. Ses vertus dépuratives étaient recommandées dans certaines maladies de peau et contre les rhumatismes. Ses feuilles sont toujours employées en décoction 1.

Angiospermes > Dicotylédones > Solanacées > Morelles (Solanum)

Parmi les cousines de la Douce-amère, on trouve la Belladone (Atropa Belladonna), le Datura et la Jusquiame (Hyoscyamus niger), des plantes qui contiennent des alcaloïdes en grande proportion.

La belladone fut autrefois utilisée en magie noire

Aussi surprenant que cela paraisse, beaucoup de Solanacées ont une très grande importance dans l’alimentation : la tomate (Solanum lycopersicum), l’aubergine (Solanum melongena) et la pomme de terre (Solanum tuberosum) appartiennent au même genre que la Douce-amère! Dans le cas de la pomme de terre, les alcaloïdes sont concentrés dans les feuilles, les fleurs et les fruits, mais aussi dans la peau du tubercule et ses yeux.


Son habitat

Le nom du genre Solanum dérive du latin sol, soleil. Et les plantes de ce genre recherchent en effet les stations ensoleillées. Mais rien n’est simple dans le règne végétal car les plantes ont souvent une grande capacité d’adaptation. On peut donc trouver la Douce-amère dans des endroits très variés. Au soleil certes, le long d’un mur en ville, mais aussi dans la pénombre d’une haie bordant une rivière. Elle aime les lieux humides, mais ne dédaigne pas les endroits plus secs!
Elle semble en tout cas préférer des sols assez riches en nutriments (nitrates).

Une Douce-amère poussant le long d’un mur


Plutôt Amère-douce que Douce-amère!

La tige était parfois mâchonnée par nos aïeux

Dans bon nombre de langues (en français, en latin mais aussi en anglais, en allemand, en néerlandais), le nom de cette plante vient de la saveur de son écorce lorsqu’on la mâchonne.
Selon Marie-Claude Paume, c’était une habitude de nos aïeux quand ils étaient enfants et jouaient dans les prés 6.

Chose curieuse, que nous n’avons pas vérifiée et que nous vous déconseillons vivement de faire, toutes les parties de la plante étant vénéneuses, il paraît que lorsqu’on mâche les tiges, on perçoit d’abord une saveur amère qui est bientôt suivie d’un goût douceâtre 5.
Logiquement, nous devrions donc l’appeler Amère-douce.

Et ses gardes du corps

Il est fréquent chez les plantes d’engager des gardes du corps pour les protéger contre les agresseurs. De nombreux végétaux ont ainsi développé des glandes à nectar, appelées nectaires, et situées hors des fleurs. Ces nectaires ont pour fonction d’attirer des défenseurs.

C’est le cas bien connu de plusieurs merisiers (Prunus avium et Prunus padus notamment) : à la base du limbe des feuilles, deux nectaires sécrètent un liquide sucré qui attire et nourrit les fourmis. En retour, celles-ci vont défendre l’arbre contre les insectes susceptibles de ronger les feuilles.

Les 2 nectaires d’un merisier, à la base du limbe

Des chercheurs viennent de s’apercevoir que la Douce-amère fait à peu près la même chose. Rien d’étonnant, pensez-vous? Eh bien si, car elle ne possède pas de nectaire, elle!
Comment fait-elle alors?

Une feuille de Solanum dulcamara

Habituellement, lorsque des herbivores s’attaquent aux feuilles d’un végétal, celui-ci se dépêche de refermer les blessures afin d’éviter les infections.
Mais ce n’est pas ce que fait la Douce-amère!
Quand l’une de ses feuilles a été endommagée  (surtout par des limaces ou des chrysomèles, des insectes herbivores), la blessure ne se cicatrise pas  complètement mais se met à exsuder des gouttes dont la composition chimique est proche de celle d’un nectar (essentiellement un mélange d’eau et de sucres). Et des fourmis viennent bien vite consommer ces sécrétions.

Les chercheurs ont pu ensuite vérifier que la présence de fourmis réduisait par après les attaques menées contre le végétal.

C’est la première fois que l’on observe un végétal offrir du nectar à un défenseur sans disposer pour cela du moindre organe dédié à la production de ce suc.
Les chercheurs émettent l’hypothèse que ce « saignement » végétal serait peut-être une forme primitive de production de nectar ayant mené par la suite à la mise en place des organes dédiés à cette fin que sont les glandes nectarifères  2,3,4.


Sources:
(1) : Gérard Debuigne et François Couplan, Le petit Larousse des plantes qui guérissent, p. 358, Larousse, 2013
(2) : Pierre Barthélémy, Des fourmis viennent à la rescousse d’une plante attaquée, Passeur de sciences, Avril 2016
(3) : Tobias Lortzing et al, Extrafloral nectar secretion from wounds of Solanum dulcamara, Nature Plants, Avril 2016
(4) : Sam Wong, Plant bleeds nectar when attacked to summon ant defenders, New Scientist, Avril 2016
(5) : Jean-François Dumas, La Morelle douce-amère – Solanum dulcamara, Eco-logique, Septembre 2011
(6) : Marie-Claude Paume, Sauvages et toxiques, p. 96, Editions Edisud, 2009

 


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