La Gazette des Plantes à la plage…

La Gazette a profité de quelques jours de beau temps pour se reposer à la plage. Elle vous rapporte dans sa valise quelques plantes typiques des dunes, appelées psammophiles (du grec ancien psammos, sable).Voici donc l’Euphorbe des dunes accompagnée du Panicaut de mer et du Cakilier maritime. Nous allons voir comment elles se sont adaptées à un environnement aride.

L’Euphorbe des dunes

Panicaut de mer

Le Cakilier maritime


Le Westhoek

C’est au Westhoek que la Gazette est partie se ressourcer. La réserve naturelle du Westhoek (le Coin de l’Ouest) est située sur la côte belge, entre La Panne et la frontière française. Couvrant 340 ha, elle est constituée de dunes abritant une flore particulière.

Le Westhoek après un printemps pluvieux


L’Euphorbe des dunes (Euphorbia paralias)

C’est une plante qui peut être assez abondante sur le sable à l’avant des premières dunes, sur un terrain appelé parfois banquette. La banquette n’est que rarement submergée, lors de la conjonction des tempêtes et des hautes mers.
La racine pivotante de l’Euphorbe des dunes peut s’enfoncer jusqu’à 1 m dans le sable afin de trouver l’eau et les nutriments nécessaire à la survie.

L’Euphorbe des dunes

On  identifie aisément cette Euphorbe grâce à ses tiges érigées, non ramifiées et rouges à la base.

Attention : toutes les tiges du genre Euphorbia contiennent un liquide (latex) blanc et visqueux, toxique, qui provoque des irritations de la peau. Ce latex est dangereux en cas de contact avec les yeux. Il était utilisé jadis en médecine populaire en application contre les verrues. C’est en réalité un moyen développé par les Euphorbes pour se protéger des herbivores.

La tige est rougeâtre à la base

Sa racine puise l’eau et les nutriments, et ses feuilles charnues les emmagasinent. Elles sont épaisses, mais assez petites (3 cm de long), sessiles, oblongues ou ovales. Elles se chevauchent et sont dressées et appliquées contre la tige, formant comme un goupillon. Toutes ces caractéristiques, ainsi que le fait que la plante ne soit pas très haute (souvent pas plus de 30 cm, et 60 cm au maximum) lui permettent premièrement d’offrir peu de résistance au vent, et deuxièmement de limiter la perte d’eau par évaporation. Ce sont des adaptations aux conditions des bords de mer.

La floraison a lieu de mai à septembre. Les fleurs des Euphorbes sont assez complexes. Celles de l’Euphorbe des dunes sont disposées en ombelles très courtes, portant de 3 à 6 rayons épais.

Les fleurs sont disposées en ombelle

Au sommet de chaque rayon se trouve le cyathe : cest le nom donné aux inflorescences partielles des euphorbes. Il vient du grec kyathos (coupe).  En effet, des bractées forment des coupelles feuillées qui entourent les fleurs.
Chez notre Euphorbe des dunes, ces bractées sont charnues, ovales et vert clair.

L’Euphorbe des dunes est monoïque (comme les autres Euphorbes), ce qui signifie qu’elle possède des fleurs mâles et des fleurs femelles séparées, mais portées par le même plant. Sur la photo ci-dessous, on peut observer au centre une fleur femelle. A son pied se trouvent 4 glandes nectarifères jaunes en forme de quartier et terminées par des excroissances, qui attirent les insectes pollinisateurs, surtout les fourmis. Ces glandes sont fréquentes chez les Euphorbes.

Un cyathe

S’élevant au milieu de ces glandes, la grosse boule verdâtre est l’ovaire, divisé en trois loges qui abriteront les graines après la fécondation. L’ovaire est surmonté de 3 styles très courts portant les stigmates qui réceptionneront le pollen.
La fleur femelle est entourée de 5 fleurs mâles qui sont réduites à une étamine chacune (voir photo ci-dessous).
Vous vous demandez certainement où se trouvent les pétales et les sépales. La réponse est simple : les fleurs des Euphorbes n’en possèdent pas!

Détail d’un cyathe (cliquez pour agrandir)


L’Euphorbe des dunes fait partie de la famille des Euphorbiacées et plus précisément du genre Euphorbia, qui est représenté en Belgique par une douzaine d’espèces.

Angiospermes > Dicotylédones > Euphorbiacées > Euphorbia

L’Euphorbe des dunes ne se rencontre qu’à la côte, mais vous pouvez par contre voir l’une de ses sœurs, l’Euphorbe des jardins (Euphorbia peplus) un peu partout. Elle passe inaperçue, mais est pourtant extrêmement courante en ville, poussant non seulement dans les jardins mais aussi sur les trottoirs.

L’Euphorbe des jardins


Le Panicaut de mer (Eryngium maritimum)

Poussant juste à côté de notre Euphorbe des dunes nous avons rencontré une autre plante typique de ce milieu : le Panicaut de mer.

Le Panicaut de mer (Eryngium maritimum) est assez spectaculaire à l’état végétatif.

Le Panicaut de mer

Ce n’est pas un chardon, comme sa forme pourrait le laisser croire (l’un de ses noms vernaculaires est d’ailleurs le Chardon bleu). C’est en fait une Apiacée, c’est-à-dire une ombellifère comme la Carotte ou la Berce. Elle fleurira bientôt (entre juin et octobre).

Angiospermes > Dicotylédones > Apiacées > Eryngium

La Carotte sauvage (Daucus carota) est une cousine du Panicaut

Le Panicaut de mer possède une racine pivotante qui peut atteindre 3 m, et lui permet d’aller chercher l’eau et les nutriments en profondeur. Elle lui donne la possibilité de résister au vent et elle accumule aussi des réserves qui lui serviront en hiver.

Les racines furent autrefois consommées cuites, et en Angleterre elles étaient souvent confites au miel. Shakespeare en parle dans « Les Joyeuses Commères de Windsor ». Plus question cependant de les cueillir : le Panicaut est protégé!

Les feuilles sont terminées par des épines

Ses feuilles sont épineuses, le protégeant ainsi des herbivores, comme le fait le latex pour les Euphorbes.
Vivant dans des milieux où l’ombre est rare, il a du trouver des parades pour limiter les pertes en eau par évaporation. La première est l’épaisse couche de cuticule (à base de cire), qui recouvre ses feuilles. La seconde est sa couleur : vert-gris. Cette teinte plus claire réfléchit une partie importante de la lumière. Exactement comme les murs des habitations des pays méditerranéens qui sont peints en blanc.

Les jeunes feuilles sont tendres et étaient jadis mangées en salade. C’est probablement là l’origine du mot panicaut, du latin médiéval paniscardus composé de panis «pain, nourriture» et carduus «chardon», c’est-à-dire le chardon qui se mange 1.


Le Cakilier maritime (Cakile maritima)

Cakilier, vous avez dit Cakilier? Quel drôle de nom pour une plante! En fait, il provient de l’arabe kakeleh, qui désignait l’une des plantes du genre Cakile.

Le Cakilier pousse encore plus près de la mer que l’Euphorbe des dunes ou le Panicaut maritime, presqu’à la limite de la marée haute. Il ne craint pas le sel, il est halophile (du grec ancien halos « sel » et –phile, « qui aime ») ou halophyte. Les plantes halophiles parviennent à limiter la quantité de sel qui entre dans leurs tissus grâce à des membranes cellulaires sélectives.

Le Cakilier maritime pousse dans le sable

C’est une plante basse, de 10 à 45 cm de haut. La petite taille est l’un des moyens que les plantes halophytes ont adopté pour lutter contre une trop grande perte d’eau par transpiration.  En effet, les pertes en eau sont proportionnelles à la surface des tissus.

Le Cakilier possède comme ses voisins une longue racine pivotante, d’environ 1 m. Ces deux attributs, petite taille et racine profonde, lui permettent de résister au vent. François Couplan nous raconte que les racines ont été utilisées au Canada en période de disette : on les mélangeait à de la farine pour en faire du pain 2.

La période de floraison du Cakilier est très longue : elle commence en mai-juin pour se terminer en septembre-octobre.
Les fleurs sont regroupées en grappe au sommet des tiges.

Inflorescence en grappe au sommet des tiges

4 pétales blancs ou roses sont disposés en croix. Nous avons bien affaire à une Brassicacée (anciennement appelée Crucifère), c’est-à-dire une cousine des choux, de l’Alliaire, ou bien encore de l’Herbe aux chantres (Sisymbrium officinale), une plante que l’on rencontre fréquemment en ville.

Angiospermes > Dicotylédones > Brassicacées > Cakile

L’Alliaire

L’Herbe aux chantres

Sur la photo ci-dessous (cliquez dessus pour l’agrandir), vous distinguerez au centre les 6 étamines jaunes : 4 longues et 2 courtes, un trait typique des Brassicacées.

Une plante qui ne craint ni le sable ni le sel!

Observons la feuille de plus près. Nous retrouvons deux propriétés que nous avons déjà rencontrées chez l’Euphorbe des dunes et le Panicaut de mer.
Tout d’abord, la feuille est épaisse, signe qu’elle est capable d’emmagasiner beaucoup d’eau et d’autres nutriments. C’est une adaptation à la sécheresse.
Ensuite, elle est luisante, car elle est recouverte d’une bonne couche de cuticule, ce qui limite les pertes en eau par évaporation.

La feuille du Cakilier maritime

Un autre moyen que les plantes halophytes, dont notre Cakilier, ont trouvé pour limiter les pertes en eau est de réduire le nombre de stomates. Les stomates sont les petits pores, situés surtout sur le dessous des feuilles, qui permettent les échanges gazeux (gaz carbonique et oxygène) entre la plante et l’atmosphère; ces échanges sont nécessaires pour pratiquer la photosynthèse.
On constate aussi que les feuilles sont étalées horizontalement pour offrir le moins de prise possible au vent qui peut être violent en bord de mer.

Elles ont une forme pennatifide, c’est-à-dire que le limbe est découpé jusqu’à environ le milieu de chaque moitié. Elles ressemblent à des feuilles de roquette, d’où le surnom de Roquette de mer attribué à cette plante. Les jeunes feuilles sont d’ailleurs consommées en salade. Elles sont piquantes et amères 2.


Sources:
(1) : CNRTL, Panicaut, Paris, 2015
(2) : François Couplan, Le régal végétal, p. 306, Editions Sang de la terre, 2015

 


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