Notre dernière devinette vous proposait d’identifier une plante poussant entre les pavés. Plusieurs personnes ont trouvé la bonne réponse.
Alors, sans plus attendre, couchons-nous au ras du sol et dévoilons le mystère.
La plante mystérieuse
La voici :
Elle est typée : c’est une plante qui s’étale sur le sol, poussant dans des milieux pauvres. Elle est ramifiée en de nombreuses branches portant des feuilles elliptiques à lancéolées et très velues.
Quelques lecteurs ont proposé le Céraiste aggloméré (Cerastium glomeratum), une plante basse et poilue.
Le Céraiste aggloméré est certes bien poilu, mais comme la photo suivante le montre, sa tige est dressée et non appliquée contre le sol.
Il vit en outre dans des milieux riches en nutriments, ce qui ne semble pas être le cas de notre plante mystérieuse. Éliminons donc les Céraistes.

Fouchtra a raison, c’est bien Herniaria hirsuta, la Herniaire hirsute (ou hérissée), une plante qui se reconnaît à sa bouille prostrée et velue ! Mais pour l’apercevoir, il vous faudra marcher les yeux rivés au sol, et ne pas hésiter à vous accroupir. Elle n’est de plus pas commune.

Félicitations aux gagnants ! Et merci à toutes les personnes qui ont participé.
Description de la plante
Les tiges de notre plante, longues d’une vingtaine de centimètres au maximum, sont couchées sur le sol.
Elles renferment des coumarines, des substances aromatiques qui rappellent l’odeur du foin coupé ; elles sont surtout perceptibles quand la plante a été séchée 1.
Les coumarines sont des composés chimiques toxiques qui servent de moyens de défense à la plante contre les herbivores. Elles ne sont pas rares dans le règne végétal. En se limitant aux espèces de nos régions, on peut citer l’Aspérule odorante (Galium odoratum), la Flouve odorante (Anthoxanthum odoratum) qui est une Poacée, ainsi que le Mélilot officinal (Melilotus officinalis ou Trigonella officinalis) de la famille des Fabacées.

appelée « Maitrank »
Les feuilles de notre Herniaire hirsute sont lancéolées ou elliptiques et munies de poils blancs et raides.

Les feuilles sont disposées de manière alterne sur la tige, à l’exception des supérieures.
Les fleurs, elles, sont très petites et peu visibles, avec leur diamètre de moins de 2 mm. Elles sont groupées en glomérules.
Ce que ces fleurs nous présentent, ce sont leurs sépales. Ils sont verdâtres, velus sur leur surface externe et longs de 1 à 1.5 mm.
Ne cherchez pas les pétales : ils sont absents. À leur place se trouvent des staminodes, des étamines stériles qui prennent la forme de filaments quasi invisibles puisqu’ils ont une longueur maximale de 0.6 mm 2.

En se courbant au ras du sol, on peut apercevoir çà et là des points jaunes. Ce sont les anthères placées au bout des étamines. Le nombre de ces dernières varie de 2 à 5. Sur la photo suivante, on distingue 3 anthères jaunes sur la fleur du bas, et 4 anthères brunâtres, ayant perdu leur chargement de pollen, sur la fleur du haut.

La pollinisation croisée est réalisée par de petits insectes, notamment par les fourmis, mais elle serait rare 5. Ce n’est pas grave puisque la plante est autogame, et elle peut donc se féconder elle-même.
Habitats et distribution
La Herniaire hirsute est une plante annuelle ou bisannuelle de pleine lumière, poussant sur des sols pauvres, secs et sablonneux. Les pelouses xériques (arides) d’Europe méridionale et d’Asie occidentale constituent vraisemblablement son habitat d’origine 3.

Elle s’est naturalisée depuis les 16e et 17e siècles en Europe occidentale et en Europe centrale, sans doute importée accidentellement avec d’autres graines. Sa présence en Grande-Bretagne est attestée depuis 1789 4. Elle fait donc partie des plantes néophytes de nos régions, tout en y restant rare.
Aujourd’hui, on l’observe essentiellement en Europe occidentale et autour du bassin méditerranéen. Elle a été introduite aux États-Unis, où elle est surtout présente sur la côte ouest. Quelques stations existent également en Asie centrale
Selon la botaniste Anne-Marie Paelinck, son habitat en Belgique s’est fortement modifié durant ces 150 dernières années. Au 19e siècle, on la trouvait principalement sur des terrains sablonneux, comme les bordures de champs et les bas-côtés des chemins. Ce sont des milieux qu’elle occupe encore actuellement en Campine, dans le nord du pays 6.
Elle apparaît désormais de plus en plus fréquemment dans les villes (notamment à Bruxelles, Anvers et Gand), où elle a trouvé un nouvel habitat de substitution : les espaces entre les pavés ou les dalles des rues, des trottoirs et des parkings. Le ballast des voies ferrées lui convient bien également. Elle est plus rare dans le sud du pays.
En France, elle est plus abondante dans le Midi, et disséminée dans le reste du pays.

Sources :
1 : Herniaire ; WikiPhyto ; page consultée le 22/8/2021 ↑
2 : Herniaria hirsuta ; Flora of North America ; volume 5 ↑
3 : Herniaria hirsuta ; Floraweb ; page consultée le 26/8/2021 ↑
4 : Herniaria hirsuta ; Online Atlas of the British and Irish flora ; page consultée le 26/8/2021 ↑
5 : Anne-Marie Paelinck ; L’herniaire hérissée, Herniaria hirsuta ; Echo du Marais ; n° 120 ; Hiver 2016 ; p. 6 ↑
6 : Anne-Marie Paelinck ; L’herniaire hérissée, Herniaria hirsuta ; Echo du Marais ; n° 120 ; Hiver 2016 ; p. 6 ↑