Le Frêne commun (Fraxinus excelsior) est l’un des feuillus les plus abondants dans nos régions, après les chênes et les hêtres. Les spécialistes disent de lui qu’il est l’un des arbres apparus le plus récemment sur terre. Mais il pourrait hélas peut-être disparaître très prochainement, selon une étude anglaise.
Le frêne est un arbre facilement reconnaissable, même pour un néophyte.
En hiver il nous montre ses gros bourgeons noirs et ses rameaux opposés. Peu d’arbres de nos régions ont des bourgeons (et par conséquent des rameaux) opposés : on peut citer les érables, le marronnier et le frêne, et ce dernier est le seul à posséder des bourgeons bien noirs.
En été, ses feuilles sont caractéristiques : elles sont composées d’un nombre impair de folioles (on dit qu’elles sont imparipennées), comme celles du robinier faux-acacia. Mais les feuilles de ce dernier sont disposées de manière alterne sur le rameau, et présentent des épines à leur base (ce sont des stipules), tandis que le frêne a des feuilles opposées et sans épines.
Le frêne aime bien le soleil et les terrains frais, pas trop loin d’une rivière ou d’un ruisseau par exemple.
Dans la mythologie nordique, Yggdrasil, l’arbre cosmique, était un gigantesque frêne toujours vert, qui représentait l’axe du monde.
Moins fréquent que les chênes ou le hêtre, il représenterait quand même 10% des arbres wallons.
Mais depuis 2010 il dépérit suite à une maladie, la chalarose, provoquée par un champignon invasif, Chalara fraxinea. Cette maladie est apparue en Pologne au début des années 1990 avant de s’étendre rapidement en Europe depuis le début du XXIe siècle.
La maladie progresse vite : 70% des frênes de Wallonie seraient déjà touchés par la chalarose, à des degrés divers. Et il n’existe actuellement aucun remède.
Mais la chalarose n’est pas le seul danger qui menace les frênes. Un insecte coléoptère appelé l’Agrile du frêne (Agrilus planipennis) provoque également beaucoup de dommages à l’arbre : ils sont dus aux larves qui vivent sous l’écorce et en consomment le phloème (le tissu conduisant la sève élaborée).
Cet insecte est originaire d’Asie et se répand progressivement vers l’ouest. Il n’a pas encore (pour le moment) atteint nos régions: en 2013 il était signalé à 250 km à l’ouest de Moscou.
Mais il représente selon les spécialistes un danger encore plus grave que la chalarose.
C’est en tout cas la conclusion pessimiste mais sans doute réaliste d’une étude britannique qui vient d’être publiée dans le Journal of Ecology.
Le risque de voir la population des frênes s’amenuiser grandement est donc probable. On revivrait ainsi ce qu’on a connu avec l’orme, qui a en grande partie disparu d’Europe occidentale suite à la graphiose de l’orme, une maladie également due à un champignon (seulement une centaine d’ormes adultes survivent aujourd’hui en Belgique).
L’extinction du frêne serait une grande perte pour la biodiversité. De nombreux organismes vivants dépendent en effet de sa présence. L’étude anglaise mentionne une centaine d’espèces de lichens, de champignons et d’insectes qui ont besoin du frêne pour leur survie.
Il reste toutefois un espoir : le frêne et l’orme survivront peut-être grâce à leur grande variabilité génétique. En effet les botanistes ont découvert depuis quelques années que le génome d’un arbre se modifie et se diversifie sans cesse au cours de sa vie. Ce phénomène, qui est inconnu chez les animaux, entraîne la coexistence au sein du même arbre de parties (feuilles, rameaux etc…) ayant des génomes plus ou moins profondément différents. Cette grande « plasticité » génétique permet à la plante, qui ne peut pas s’enfuir face à un prédateur, d’évoluer rapidement et de trouver ainsi la combinaison génétique appropriée face à une agression externe.

Plasticité génétique : au sein du même frêne peuvent coexister des parties ayant des génomes différents
Dans ce cas, l’intervention humaine, qui consiste généralement à réaliser des abattages massifs dans le but de contrôler la maladie est sans doute une erreur, contrecarrant justement cette grande variabilité génétique. En Europe de l’Est, les forestiers ont en effet observé des arbres qui ne présentent aucun symptôme de dépérissement, alors qu’ils sont en pleine zone de contamination. En effectuant des coupes massives on empêche l’identification et la survie des arbres qui présentent des signes de résistance et on favorise au contraire les rejets de souches très sensibles au champignon pathogène.
Sources :
– Delahaye, Herman et Chandelier, La chalarose du frêne en Wallonie : état des lieux, Silva Belgica, Société Royale Forestière de Belgique, Mai 2011
– Moriaux Virginie, Le frêne menacé d’extinction en Wallonie?, Le Vif L’Express, Février 2016
– Carlier Benjamin, Un champignon menace les frênes wallons de disparition, RTBF, Septembre 2014
– Marshall Claire, Ash tree set for extinction in Europe, BBC, Mars 2016
– Agrile du frêne, Wikipédia en français, Mars 2016
– Asiatischer Eschenprachtkäfer, Wikipedia en allemand, Février 2016
– Lacouture Yves, La Chalarose : un champignon ravageur du frêne à surveiller !, Infosite n° 3 du site Natura 2000 de la Vallée de la Charente en Amont d’Angoulême, Ligue pour la Protection des Oiseaux, juillet 2015
– Hallé Francis, L’éloge de la Plante, Editions du Seuil, 1999
Ping : Actualité : Des nouvelles du Hêtre | La Gazette des Plantes
Bonjour, un site très intéressant sur le sujet : http://chalarose.fr/ En effet la chalarose est un vrai problème et progresse à une vitesse folle !!
J’aimeJ’aime