Deux hellébores à l’honneur dans ce billet, un vrai et un faux. Le vrai c’est l’Hellébore vert, une plante qui est rare en Belgique. Le faux, c’est l’Hellébore d’hiver, qui n’appartient en réalité pas au genre des Hellébores.
Le Bois du Hautmont à Wauthier-Braine
C’est un botaniste et ornithologue amateur de Wauthier-Braine, Sacha d’Hoop, qui a identifié et puis signalé sur Observations.be la présence de l’Hellébore vert dans le bois du Hautmont. Ce bois est situé à Wauthier-Braine, dans la commune de Braine-le-Château. Nous sommes dans la province du Brabant wallon, à une vingtaine de kilomètres au sud-ouest de Bruxelles, tout près de l’autoroute E19.
La région est fortement urbanisée, et il est donc surprenant d’y trouver encore quelques oasis présentant une grande diversité biologique. C’est pourtant le cas du Bois du Hautmont.
La Prêle d’hiver (Equisetum hyemale)
Dans ce bois coule un ruisseau, appelé tout bonnement le ruisseau du Bois du Hautmont, et le long duquel se trouve l’une des rares stations de Prêles d’hiver (Equisetum hyemale), une plante qui est considérée comme étant en danger en Belgique.
La Prêle d’hiver se présente sous forme de tiges très raides et vertes, pouvant atteindre 1 m 50 de haut.
Chaque tige est faite de plusieurs sections, séparées par une rangée d’écailles noires, tous les 3 à 10 cm.
Les prêles sont des plantes très anciennes apparues au Secondaire. Elles se reproduisent par des spores et non pas par des graines comme les spermatophytes (qui comprennent les plantes à fleurs (Angiospermes) et les Gymnospermes (les conifères).
Les spores sont des cellules uniques qui tombent à terre et produisent alors des organismes appelés prothalles. Certains prothalles fabriqueront les spermatozoïdes (les cellules reproductrices mâles) et les autres fabriqueront les cellules sexuelles femelles.
Quand le sol sera humide, les spermatozoïdes s’échapperont et nageront vers les cellules femelles. Il y aura alors fécondation et production d’un embryon qui donnera une nouvelle prêle. La faiblesse de ces plantes, par rapport aux plantes à graines, c’est le prothalle. Il est à même le sol et porte des organes sexuels entièrement nus. Il faut en outre qu’il soit mouillé pour que les spermatozoïdes puissent s’échapper. Sans eau, ces plantes ne peuvent donc pas se reproduire.
L’Hellébore vert (Helleborus viridis)
En lisière de ce même Bois du Hautmont nous avons donc pu observer une autre plante menacée en Belgique : l’Hellébore vert (Helleborus viridis). Sacha D’Hoop nous a déclaré que cette espèce était présente depuis plusieurs années à la fois dans le bois et à sa périphérie.
L’Hellébore vert est une plante aux fleurs verdâtres et pendantes, et aux feuilles palmées.
Classification
Angiospermes > Dicotylédones > Renonculacées > Hellébores(Helleborus)
Les hellébores appartiennent à la grande famille des Renonculacées. Cette famille comprend plus de 2.500 espèces habitant surtout les zones tempérées et froides de l’hémisphère nord. Ces espèces présentent une grande variabilité morphologique. Il est donc faux de croire qu’elles possèdent toutes des fleurs jaunes, même si c’est le cas de la plupart des « vraies » renoncules (du genre Ranunculus) comme la Renoncule flammette ci-dessous, ou bien des fleurs blanches comme les anémones. Certaines Renonculacées ont des fleurs bleues, et celle de Helleborus viridis sont verdâtres, ce qui est d’ailleurs à l’origine de son nom français.
Habitat
L’hellébore vert pousse dans les haies ou les bois clairs, sur des sols riches en humus, assez secs à frais (mais pas dans l’eau), sur des terrains plutôt neutres ou basiques (calcaires).
Il aime l’ombre ou la mi-ombre, et une place sous des grands feuillus lui convient parfaitement. Puisqu’il fleurit très tôt dans l’année, de février à avril, sa photosynthèse ne sera pas gênée par les feuilles des arbres.
En Belgique on peut le rencontrer surtout dans 3 régions (voir carte ci-dessous) : premièrement dans la vallée de la Meuse, deuxièmement dans une longue bande au sud de Bruxelles (depuis Alsemberg jusqu’à Hoegaarden), et finalement dans les bois près de Zottegem.
Les fleurs
L’Hellébore vert est une plante vivace, assez basse (en général il ne mesure pas plus de 40 cm de hauteur), et qui forme des touffes (cfr. photo ci-dessus).
Ses fleurs sont assez grandes (4 à 5 cm de diamètre), de couleur vert jaunâtre et souvent penchées.
Ce sont les 5 sépales que l’on voit en premier lieu et qui lui confère sa couleur verte. Ils jouent donc le rôle des pétales : ce sont des sépales pétaloïdes. Ils forment une coupe; leur sommet est tronqué et terminé en pointe.
Chez l’Hellébore fétide (Helleborus foetidus), une espèce que l’on rencontre plus fréquemment chez nous, les fleurs sont plus petites (de 2 à 2.5 cm de diamètre) et les sépales sont normalement bordés de rouge. La confusion n’est donc pas possible.
Les sépales entourent les nombreuses étamines (les organes mâles libérant le pollen). La présence d’un grand nombre d’étamines est une caractéristique des Renonculacées, mais elle est aussi le fait des Rosacées.
La libération des grains de pollen se fait par vagues successives, car toutes les étamines d’une fleur ne deviennent pas matures en même temps. Cela peut durer d’une à trois semaines, selon les conditions météorologiques, ce qui est intéressant pour les abeilles et bourdons.
Le nombre de pièces femelles (voir photo ci-dessous) est par contre réduit et variable : de 2 à 10 carpelles, souvent 5. Rappelons que l’organe femelle est appelé pistil ou gynécée, et est composé d’éléments appelés carpelles, ceux-ci comportant un ovaire, un style et un stigmate qui recueille le pollen.
Au sein d’une fleur, les carpelles sont matures avant les étamines. Cette protogynie (stade femelle plus précoce) favorise la pollinisation croisée.
Nous avons mentionné les sépales, les étamines et les carpelles. Mais où se cachent donc les pétales? Ils sont bien là, mais ils sont très petits, quasiment invisibles, cachés par les étamines. Ils ont été complètement transformés en cornets nectarifères (voir photo ci-dessous), remplis jusqu’à la moitié de nectar. Cette métamorphose des pétales en nectaires (glandes à nectar) est un trait assez courant chez les Renonculacées.
Ce nectar est assez concentré en saccharose (26-41 %) et en fructose. Les glandes peuvent sécréter du nectar sans discontinuer pendant vingt jours.
Les fleurs sont groupées en cymes.
Une cyme est une inflorescence dans laquelle chaque ramification se termine par une fleur.
Dans le cas d’Helleborus viridis, nous aurons le plus souvent des cymes de 2 fleurs, et plus rarement de 4.
Les feuilles et la tige
Les feuilles sont aisément reconnaissables. Chaque feuille est composée et palmée : elle possède de 7 à 13 segments (folioles), qui sont disposés en éventail.
Les folioles ont une forme allongée, de 20 à 30 cm de long. Elles sont lancéolées, et leur bord est denté. Elles se fanent durant l’été et se dessèchent en automne.
Les feuilles sont dites pédalées, car les folioles s’insèrent à des endroits différents du pétiole, et non exactement au même point (voir photo ci-contre).
La base des folioles est souvent rougeâtre.
La tige est sillonnée longitudinalement (voir photo ci-dessous).
Une plante très toxique
La grande majorité des Renonculacées sont toxiques. Le cas du bouton d’or (la Renoncule âcre ou Ranunculus acris) est bien connu. L’Hellébore vert ne faillit pas à la règle. Le nom du genre Hellébore en témoigne : du grec heleïn (faire mourir) et bora (nourriture mortelle).
Toutes ses parties sont très toxiques même après dessiccation ou cuisson.
La plante contient plusieurs principes actifs et notamment de l’hellébroside. A forte dose, c’est un purgatif drastique et un poison violent pour le cœur et le système nerveux.
Mais même à très petite dose ce n’est pas mieux : le problème est l’accumulation et la très lente résorption des principes actifs dans l’organisme (4).
Si l’usage interne n’est pas envisageable, ne croyez surtout pas pouvoir l’utiliser en usage externe : dans les feuilles fraîches, on trouve de la ranunculine qui peut être très irritant pour la peau et les muqueuses.
Et pourtant sa racine a été utilisée depuis l’Antiquité comme purgatif, du moins la racine d’un hellébore, car on ne sait pas exactement quelle espèce utilisaient les Anciens. Ils l’employaient à faible dose : de 3 à 4 g par litre d’eau (1).
Ses graines servaient à lutter contre les désordres mentaux et nerveux. En effet ses vertus purgatives étaient censées pouvoir débarrasser le corps de la folie (2).
Souvenons-nous de nos classiques :
» Elle a besoin de six grains d’hellébore, Monsieur, son esprit est tourné… »
(Molière dans Amphitryon)
« Ma commère, il vous faut purger avec quatre grains d’ellébore ! »
(La Fontaine dans Le lièvre et la tortue).
Une autre étymologie est d’ailleurs parfois proposée pour hellébore : le nom viendrait du sémitique helibar (ou helebar, ou hellebar), qui signifie « remède contre la folie ».
Jadis on recourait aussi à l’hellébore pour en asperger l’extérieur des maisons afin de les purifier. Avant de le déterrer, il fallait manger de l’ail et boire du vin pour se prémunir contre ses « émanations » qui causaient des maux de tête. De plus, on ne pouvait le déterrer au moment où un aigle volait par-dessus, car cela apporterait la mort (3).
Sources :
(1) PAUME Marie-Claude, Sauvages et toxiques, Edisud, 2009
(2) CAIRE Michel, Purgatifs et émétiques, Histoire de la psychiatrie en France, 2003
(3) Ellébore vert, Le jardin du guérisseur de Charlemagne à Érasme
(4) BERTRAND Bernard, L’herbier toxique, Plume de Carotte, 2014
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L’Hellébore d’hiver (Eranthis hyemalis)
Parlons maintenant du « faux » hellébore, l’Hellébore d’hiver ou Eranthe d’hiver ou encore helléborine (Eranthis hyemalis). Il ressemble à un bouton d’or, et cela ne vous étonnera donc pas d’apprendre que c’est donc aussi une Renonculacée. Mais pourquoi parler d’un « faux » hellébore? Parce que Linné, le grand botaniste suédois qui est à l’origine de la nomenclature encore utilisée aujourd’hui, le plaça dans le genre Helleborus. Mais il fut par la suite transféré dans le genre Eranthis (les Eranthes).
Angiospermes > Dicotylédones > Renonculacées > Eranthes(Eranthis)
Habitat
Eranthis hyemalis est originaire de l’Europe méridionale (de l’Espagne à la Turquie) et est souvent plantée dans nos parcs et jardins. Elle peut « s’en échapper » et se naturaliser ici et là sur des sols frais ou humides, riches en humus, et de préférence calcaires (un habitat semblable à l’Hellébore vert par conséquent).
Et comme Helleborus viridis, elle aime la mi-ombre, comme dans les sous-bois si ceux-ci ne sont pas trop denses.
Une plante précoce
Ses fleurs jaunes apparaissent précocement, dès la fin de l’hiver jusqu’au début du printemps (de janvier à mars). Le nom du genre Eranthis vient d’ailleurs du grec êr (printemps) et de anthos (fleur); et son nom d’espèce hyemalis signifie hivernal.
Pourquoi cette plante fleurit-elle si tôt? Tout bonnement parce qu’elle aime bien de vivre sous les feuillus. Elle doit donc se dépêcher de fleurir et de produire ses graines avant que les feuilles des arbres ne la privent de lumière.
D’autres plantes agissent d’ailleurs de la même manière : pensez par exemple au Perce-neige ou au Narcisse jaune.
Une autre ressemblance entre ces plantes précoces est la présence d’un bulbe : cet organe souterrain qui stocke de l’amidon leur permet de puiser les sucres qui leur permettent de croître rapidement alors que la température est encore très basse.
La fleur
Les fleurs surgissent solitaires au-dessus d’une collerette de feuilles vert brillant; elles se referment le soir ou lorsque le temps est couvert.
Ces feuilles sont en réalité les bractées, c’est-à-dire les pièces foliaires qui font partie de l’inflorescence. Il y a trois bractées, chacune étant palmatipartite : chaque bractée est composée de plusieurs lobes en forme de lanières, et la découpe atteint presque la base. L’ensemble des bractées s’appelle l’involucre.
Les autres feuilles n’apparaîtront qu’après la floraison.
Les fleurs ont une taille moyenne : de 2 à 3 cm de diamètre environ. Chaque fleur est composée d’une première couronne externe de 6 sépales pétaloïdes qui s’incurvent vers l’intérieur.
Ces sépales jaune vif entourent les pétales atrophiés et transformés en cornets nectarifères. La similitude avec l’Hellébore vert est donc frappante, hormis la couleur bien sûr. Le nectar produit attirera les bourdons, qui sont les insectes pollinisateurs les plus précoces, avant les abeilles.
En se dirigeant vers le centre de la fleur, on rencontre ensuite les étamines (organes mâles) portant des anthères jaunes qui produisent le pollen. Elles sont nombreuses : nous avons vu que c’est un trait typique des Renonculacées.
Finalement au milieu se trouvent les carpelles (organes femelles) surmontés par les stigmates qui recueillent les grains de pollen.
Une plante toxique
Elle est toxique comme l’Hellébore vert et la plupart des Renonculacées. Et le contact avec la sève peut provoquer chez certaines personnes des dermatites de contact.
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