Les champignons jouent un rôle crucial dans le maintien de la biodiversité dans les forêts tropicales humides.
Lorsqu’une plante devient dominante dans une zone et menace d’éliminer ses concurrentes, les champignons interviennent et réduisent rapidement sa population.
Dans un article récent, la Gazette vous parlait d’un phénomène bien connu des biologistes : il y a nettement plus d’espèces vivantes sous les tropiques. Une recherche récente (de 2014), menée par l’Université d’Oxford, a trouvé un mécanisme qui expliquerait en partie ce fait 1 3.
L’enquête s’est déroulée dans la forêt de Chiquibul au Belize, un état d’Amérique centrale, voisin du Guatemala.
Cette forêt s’étend sur 595 km2 et est renommée pour sa biodiversité. Elle abrite notamment 375 espèces de plantes que l’on ne retrouve nulle part ailleurs 2.
Voici ce que les chercheurs ont découvert : les champignons empêchent que les forêts tropicales ne soient dominées par quelques plantes très compétitives. Ils se propagent en effet plus facilement entre les plants et les semis d’une même espèce. Par conséquent, si beaucoup d’individus d’une seule espèce végétale poussent au même endroit, les champignons vont rapidement s’y attaquer et réduire sa population, donnant ainsi à des plantes plus rares une chance de survivre.
L’étude a aussi montré que les insectes n’ont pas d’impact sur le niveau de la biodiversité (mais bien sur la composition de celle-ci).
Cette étude confirme une idée émise en 1970-71 par Janzen et Connell, deux biologistes américains.
Leur hypothèse voulait expliquer pourquoi il y a tant d’espèces d’arbres différentes dans les forêts tropicales humides.
Chaque fois qu’une plante atteindrait une densité élevée dans un lieu donné, des prédateurs (essentiellement des champignons pathogènes et des insectes herbivores) entreraient en action et réduiraient la population de cette plante 4 .
Les biologistes appellent cela la NDD (negative density dependence).
L’objectif de la recherche menée au Bélize était de tester la prédiction de Janzen et Connell.
🔍 Les scientifiques ont surveillé pendant 17 mois des parcelles traitées avec des fongicides ou des insecticides.
Ils se sont aperçus que dans les parcelles exposées aux fongicides, quelques espèces de plantes avaient rapidement pris le dessus aux dépens des autres. Le nombre total d’espèces présentes avait diminué de 16%.

Phallus indusiatus, un champignon des forêts humides du Kerala (sud-ouest de l’Inde) – © Ajaykuyiloor via Wikimedia Commons
Ce qui a surpris les chercheurs, c’est que, dans les parcelles qui avaient été soumises aux insecticides, les espèces avaient changé mais leur nombre était resté stable.
Ce sont donc bien les champignons qui contrôlent le niveau de la biodiversité, et non les insectes. Ces derniers influencent plutôt la composition de la flore présente.
De quels champignons s’agit-il? Les soupçons se portaient sur les Oomycètes, les « pseudo-champignons ». Ces derniers sont des organismes proches des champignons mais leur paroi cellulaire renferme de la cellulose et non de la chitine comme celle des vrais champignons. Ils sont notamment responsables de plusieurs maladies affectant les plantes, comme le mildiou.
Mais après pulvérisations de différents fongicides, nos enquêteurs ont trouvé que les coupables étaient les « vrais » champignons (les Fungi), et non les Oomycètes.
Les résultats de cette étude sont en fin de compte cohérents avec les conclusions de la recherche que nous vous présentions il y a quelques semaines. Celle-ci montrait que la biodiversité est essentiellement déterminée par la température. Or, les scientifiques pensent que l’influence des champignons est nettement plus marquée dans les forêts tropicales parce que le climat y est chaud et humide, des conditions optimales pour les Fungi.
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Sources :
1 : University of Oxford; Meet the rainforest ‘diversity police’; ScienceDaily; 22 Janvier 2014
2 : CayoSouth; Chiquibul Forest Reserve
3 : Robert Bagchi et al.; Pathogens and insect herbivores drive rainforest plant diversity and composition; Nature 506, 6 Février 2014
4 : Wikipedia; Janzen–Connell hypothesis; Février 2017
Ça fait 1 test sur 1 biotope particulier si je comprends bien. Intéressant mais étude à poursuivre ; 0))
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