Pendant des centaines de millions d’années, les plantes et les insectes ont composé une chorégraphie complexe et délicate. Les pollinisateurs permettent à un grand nombre d’espèces végétales de se reproduire, et celles-ci nourrissent maints insectes. Mais des chercheurs américains ont découvert que, malgré le déclin actuel des insectes, les dommages qu’ils causent aux plantes sont plus élevés aujourd’hui qu’au cours des périodes représentées dans les archives fossiles.
L’étude a été menée par Lauren Azevedo-Schmidt, associée de recherche postdoctorale au Climate Change Institute de l’Université du Maine. Ont collaboré Ellen Currano, professeure au département de botanique de l’Université du Wyoming, et Emily Meineke, professeure adjointe à l’université de Californie-Davis. Les résultats ont été publiés dans la revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences).

Matériaux et méthodes
Collecte des feuilles modernes
Des feuilles récentes (datées d’après 1955) ont été recueillies dans deux forêts du nord-est des États-Unis (une forêt fraîche et humide et une seconde, chaude et côtière) et dans une troisième forêt du Costa.Rica tropical (un point chaud de la biodiversité).

Harvard Forest (USA), Smithsonian Environmental Research Center (USA) et La Selva (Costa Rica)
Dans chacune de ces forêts, plusieurs emplacements furent choisis au hasard pour réaliser les récoltes, tout en ciblant cependant des feuilles piégées dans des couches sédimentaires ou des dépôts sur les berges de rivières. Cela permet d’imiter la compression que l’on observe dans les archives géologiques, et donc de rendre la comparaison plus fiable.1.
Agrégation des données sur les feuilles fossilisées
Currano et ses collègues ont effectué une recherche documentaire exhaustive afin d’identifier tous les articles publiés sur les interactions entre les plantes et les insectes depuis le Crétacé.
63.sites répondaient à tous les critères fixés par les auteures. Ces sites couvrent un certain nombre de latitudes et de climats, et embrassent une période allant de 66,8.millions d’années AP (Avant Présent.: avant 1950) jusqu’à il y a environ 2.millions d’années. Les dommages provoqués par les insectes herbivores ont été quantifiés selon le pourcentage de feuilles dévoilant des attaques telles que trous, galles, succions, squelettisation, etc.

© Lauren Azevedo-Schmidt et al..; Insect herbivory within modern forests is greater than fossil localities
Données en accès libre

Ceci est d’autant plus surprenant que plusieurs recherches ont montré que le nombre d’insectes est en baisse, au moins dans certaines parties du monde.
Hypothèses
Des recherches supplémentaires seront à l’évidence nécessaires pour déterminer les causes précises de l’augmentation de ces dégâts, mais on peut déjà avancer quelques conjectures.
Les chercheuses supposent que l’augmentation de la fréquence et de la diversité des dommages causés par les insectes a une origine anthropique.
Cela est étayé par une autre constatation.: la probabilité de présenter ces dégradations est 23.% plus élevée pour les feuilles mises dans des herbiers au début des années.2000 que pour les spécimens collectés au début des années.1900.2.

attaquant une feuille de…Bouillon-blanc (Verbascum thapsus)
On peut bien sûr penser que le réchauffement climatique rapide de notre époque doit jouer un rôle, par exemple en modifiant le cycle de vie et les habitudes alimentaires des insectes herbivores, et en déplaçant leurs habitats vers le nord. Mais les auteures de l’article font une autre suggestion.:
le niveau actuel de la consommation de plantes par les insectes serait peut-être influencé par l’anthropisation des paysages terrestres.
L’urbanisation, la construction de routes, le développement des surfaces agricoles augmentent peut-être la concentration des insectes dans les forêts étudiées. L’introduction d’espèces invasives pourrait aussi être un facteur important.


Acte deuxième, Scène première
Sources :
1 : Lauren Azevedo-Schmidt et al..; Insect herbivory within modern forests is greater than fossil localities.; PNAS.; 10 octobre 2022.↑
2 : University of Wyoming.; Unprecedented levels of insects damaging plants.; ScienceDaily.; 10 octobre 2022.↑
il existe des insectes phytophages qui se nourrissent de feuilles ,des sauterelles rognant le limbe , des abeilles qui coupent des feuilles pour enrouler la nourriture pour les larves , c’est leur job pour survivre et assurer leur descendance .La raréfaction des insectes ne serait – elle pas due aussi aux épandages intensifs de pesticides , insecticides , fongicides etc.. il n’en est pas question sur l’article des deux chercheurs
J’aimeJ’aime
Merci pour votre question. Le déclin des insectes est bien mentionné dans l’article, mais seulement dans le titre : « les insectes causent aujourd’hui des dommages sans précédent aux plantes, bien que leur nombre diminue ». C’est d’ailleurs pour cela que le résultat de l’étude semble surprenant. On se serait attendu à observer moins de dégâts sur les feuilles.
Ceci étant précisé, nous allons rappeler ce fait dans le corps du billet, pour éviter tout malentendu!
J’aimeJ’aime
De cette lecture intéressante j’ai appris le mot anthropisation
J’aimeJ’aime
Très dérangeant, cet article me rappelle ceux concernant l’existence du trou d’ozone longtemps niée par les scientifiques américains. Dans le cas présent on peut conclure qu’il y a moins d’insectes mais qu’ils ravagent plus, donc éliminons les davantage. Vive l’agrochimie.
J’aimeJ’aime
Bonjour,
ce n’est pas du tout la conclusion qu’en tirent les chercheuses. Les dommages plus nombreux seraient plutôt dus, et ce n’est encore qu’une suggestion qui devrait être vérifiée, à l’emprise croissante de l’homme sur les paysages, et la diminution concomitante des zones « naturelles ». Rappelons aussi qu’elles se sont penchées sur des forêts, et non sur des terres cultivées qui intéressent l’agrochimie.
J’aimeJ’aime
Bonjour,
C’est la base de l’écologie ! Moins de biodiversité, cela donne un écosystème qui s’autorégule moins bien et c’est l’occasion pour certaines espèces de « pulluler ». La cause principale de perte de biodiversité, ce sont les actions de l’homme.
J’aimeJ’aime