Le Mahonia, une invasive qui profite du réchauffement climatique

Il y a quelques jours nous avons eu le regard attiré par un buisson aux feuilles piquantes qui poussait dans la vallée de la Woluwe. Il ressemblait à du houx, il piquait comme du houx, mais il portait des fleurs jaunes : ce n’était donc pas du houx! Il s’agissait en réalité d’un Mahonia à feuilles de houx, une plante originaire du nord-ouest des Etats-Unis, qui s’est naturalisée et se répand rapidement chez nous.

Identification

C’est donc un arbuste que l’on reconnaît aisément à ses feuilles : elles portent des dents épineuses ressemblant à celles du houx. Nous les avons testées pour vous : elles piquent bien!

Les feuilles sont composées d’un nombre impair de folioles

Les feuilles du houx sont cependant simples, tandis que celles du mahonia sont composées d’un nombre impair de folioles, comme celles du frêne ou du robinier faux-acacia.
Les botanistes disent que la feuille est imparipennéedu latin impar « impair » et penné, qui se dit d’une feuille divisée en folioles disposées des deux côtés du pétiole comme les barbes d’une plume.

Les folioles sont coriaces, luisantes, et sessiles (attachées directement au pétiole) à l’exception de la foliole terminale.


Les petites fleurs jaunes sont rassemblées en grappes. Elles apparaissent normalement à partir de mars. Par contre, celles du houx sont blanches, et regroupées à la base des feuilles.

Grappe de fleurs jaunes


Une plante invasive

Le Mahonia à feuilles de houx est originaire de la côte Pacifique de l’Amérique du Nord. Son statut (natif ou naturalisé?) dans la partie nord-est du continent nord-américain (Québec, Ontario, etc.), est encore sujet à discussion 5 .

C’est la fleur officielle de l’état d’Oregon où il est appelé « vigne de l’Oregon » (Oregon-grape) car les premiers colons faisaient une sorte de « vin » avec ses baies (faute de mieux) 1

Il a été introduit en Europe comme plante ornementale, vers 1823 2Il s’est depuis échappé des parcs et jardins et en Belgique sa population a crû rapidement ces dernières années, au point d’être repris sur la liste des espèces invasives. Cet accroissement serait sans doute dû au réchauffement climatique.

Il produit des baies qui sont dispersées par les oiseaux, parfois sur de longues distances. Il se plaît dans une large gamme de terrains comme les dunes, les rochers, les prairies et les bois. Il préfère les sols calcaires, nitrophiles et ombragés, secs ou humides 3.

Distribution du Mahonia à feuilles de houx en Belgique (selon « Invasive Alien Species in Belgium »)

L’espèce que l’on rencontre le plus souvent en Belgique serait un hybride entre au moins deux espèces nord-américaines, Berberis aquifolium et Berberis repens. Cet hybride croîtrait plus vigoureusement et se disséminerait encore plus efficacement que ses parents. Lorsque la plante parvient à se développer, elle drageonne facilement : elle se multiplie non plus par voie sexuée, mais par voie végétative. Les racines produisent des rejets à une certaine distance du parent. Elle peut ainsi former de vastes peuplements qui concurrencent et éliminent la flore indigène 4. Ceci  est notamment le cas dans les dunes du littoral 3.

Les zones naturelles où le Mahonia à feuilles de houx présente un danger (selon « Invasive Alien Species in Belgium »)

Pour lutter préventivement contre ce danger , il faudrait renoncer à sa plantation dans les jardins!


Toxicité et usages médicinaux

Les parties végétatives de la plante (les feuilles et surtout les racines) sont relativement toxiques. La molécule responsable de cette toxicité est un alcaloïde, la berbérine. En revanche, les  fruits ne contiennent presque pas d’alcaloïdes et ne sont donc pas nocifs. Ils étaient d’ailleurs consommés, en petite quantité, par les Indiens d’Amérique du Nord. Et comme nous l’avons déjà mentionné ci-dessus, les premiers colons en tiraient une sorte de vin 2, 6.

Foliole terminale de la feuille du Mahonia à feuille de houx

Comme beaucoup de plantes toxiques, le Mahonia à feuilles de houx a été utilisé comme plante médicinale.
Les Indiens d’Amérique du Nord se servaient de ses racines pour soigner les maux d’estomac, les hémorragies et la tuberculose.
Les feuilles et les racines étaient employées dans des bains de vapeur pour lutter contre la fièvre jaune 6.

Actuellement, on a recours au Mahonia pour traiter des maladies inflammatoires de la peau telles que l’eczéma et le psoriasis. Des recherches récentes montrent que le Mahonia contient une substance qui peut faire diminuer la résistance bactérienne 6.


Un peu de classification pour terminer

Angiospermes > Dicotylédones vraies > Berbéridacées > Berberis

Le Mahonia à feuilles de houx (Berberis aquifolium) appartient à la famille des Berbéridacées. Cette famille comprend environ 700 espèces dont les feuilles sont souvent bordées d’épines.

Au sein de cette famille, notre Mahonia à feuilles de houx se trouvait auparavant placé dans le genre Mahonia. Tout allait donc bien. Mais la classification botanique a été passablement chamboulée ces dernières années, à cause des progrès de l’analyse génétique. Et c’est ainsi que notre Mahonia a changé de tiroir et a été transféré dans le genre Berberis, selon la dernière classification APG III (2009).
C’est la raison pour laquelle son nom scientifique a été modifié : autrefois appelé Mahonia aquifolium il a désormais été rebaptisé en Berberis aquifolium.
Sachez toutefois que de nombreux sites (dont Wikipedia) utilisent encore l’ancien nom.

L’épithète aquifolium,  signifie « à feuille épineuse » (de folium, feuille et acus, aiguille).

Dans nos régions on peut trouver une autre espèce appartenant à la même famille et au même genre. Elle est probablement plus connue que le Mahonia : il s’agit de l’épine-vinette (Berberis vulgaris).


Sources

1 : Wikipedia, Mahonia aquifolium, septembre 2015
2 : Tela-Botanica, Mahonia à feuilles de houx, juin 2003
3 : Invasive Alien species in Belgium, Mahonia aquifolium, décembre 2010
4 : Info Flora, Mahonia à feuilles de houx, 2012
5 : United States Department of Agriculture, Mahonia aquifolium
6 : Encyclopedia of Life, Berberis aquifolium 

A propos La gazette des plantes

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