C’est en pensant à cette citation de Marcel Aymé que nous avons poursuivi notre balade dans la Forêt de Soignes. Qu’y avons-nous trouvé cette fois? La Sabline à trois nervures, la Lysimaque des bois et la Véronique à feuilles de serpolet.
Ces 3 plantes partagent un point commun, outre bien sûr le fait qu’elles poussent en forêt. Le trouverez-vous?
Nous sommes sortis du vallon du Vuylbeek (voir le billet précédent) pour nous balader plus au sud. Nous avons suivi le sentier de Grasdelle et la drève Van Kem.
Le soleil nous accompagnait et le calme régnait dans cette portion de la forêt moins fréquentée. Le sol était en partie recouvert par un tapis d’herbes, et c’est là que nous avons fait notre première découverte.
La Sabline à trois nervures (Moehringia trinervia)
Elle est commune, mais discrète, la Sabline. C’est une petite plante vivace, ne dépassant pas 40 cm de haut, et portant de petites fleurs blanches de mai à fin juin.
Elle pousse à l’ombre ou la mi-ombre, sur des sols plutôt secs (nous ne sommes plus dans le vallon du Vuylbeek!).
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Elle fait partie du groupe des plantes nitrophiles pionnières des clairières et des lisières, en compagnie par exemple de l’Alliaire officinale (Alliaria petiolata) et de la Lampsane commune (Lapsana communis).
Ses fleurs sont petites : leur diamètre est d’environ 6 mm. Elles présentent 5 pétales blancs disposés en étoile, qui sont nettement plus courts que les sépales pointus.
10 étamines (les organes mâles) entourent les 3 styles du pistil (l’organe femelle).
Les fleurs sont tellement petites qu’elle n’attirent que de petits insectes. La plupart du temps elles vont d’ailleurs s’auto-polliniser faute de visiteurs.
Un (petit) risque de confusion existe avec une stellaire, la Stellaire intermédiaire, appelée également Mouron des oiseaux (Stellaria media), qui est extrêmement répandue.
Mais les 5 pétales de celle-ci sont échancrés jusqu’à la base (voir photo à droite), ce qui donne l’impression d’en voir 10.
Ceci nous amène à dire que ces deux plantes font partie de la même famille, celle des Caryophyllacées, une famille surtout représentée dans les régions tempérées.
Mais la Stellaire appartient au genre Stellaria, tandis que notre Sabline à trois nervures est classée dans le genre Moehringia.
Angiospermes > Dicotylédones > Caryophyllacées > Moehringia
Notez qu’on emploie parfois, et notamment en Belgique, le nom de Méringie à trois nervures. Mais ce n’est qu’une traduction littérale du nom scientifique latin, sans véritable fondement historique, et qu’il est donc préférable d’éviter.
Le nom du genre Moehringia fut dédié par Linné à Paul Möhring, un botaniste et zoologiste allemand du 18è siècle, qui fut l’un des premiers à tenter de classer scientifiquement les espèces d’oiseaux.
Les feuilles des Caryophyllacées sont toujours opposées et simples. Celles de la Sabline à trois nervures suivent bien sûr ce schéma général. On peut aussi dire qu’elles sont de forme ovale et pointues, et ont trois nervures, plus marquées sur le dessous. De là vient évidemment l’origine du nom de la plante.
La tige ainsi que les pétioles des feuilles et les pédicelles des fleurs portent de fins cils.
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La Lysimaque des bois (Lysimachia nemorum)
Voici une petite plante vivace qui fleurit de mai à août. La tige est couchée mais le pédicelle portant la fleur se redresse.
La fleur a un diamètre de 10 à 15 mm et une forme étoilée avec ses 5 pétales jaunes dont le bout est pointu. 5 étamines (les organes mâles) entourent un pistil (l’organe femelle) comprenant un seul style filiforme.
La Lysimaque des bois a une sœur qui lui ressemble beaucoup, la Lysimaque nummulaire (Lysimachia nummularia). Mais les fleurs de cette dernière sont moins ouvertes, elles prennent la forme d’une cloche.
Ceci a une influence sur le mode de reproduction : la Lysimaque nummulaire n’attire pas beaucoup les pollinisateurs et se reproduit donc essentiellement de manière végétative, par fractionnement de ses tiges rampantes.
La Lysimaque des bois, aux fleurs plus ouvertes, se reproduit par la voie sexuée habituelle, produisant des fruits et ensuite des graines.
Les 5 sépales verts de la Lysimaque des bois sont appliqués contre les pétales.
Ils sont un peu moins long que ceux-ci, et ils sont très étroits.
Les feuilles sont opposées et ont un bout plutôt pointu. Ceci est un autre trait qui différencie la Lysimaque des bois de sa sœur, la Lysimaque nummulaire, dont les feuilles sont plus rondes (nummulaire dérive du latin nummulus qui signifiait pièce de monnaie)
C’est une espèce forestière : elle préfère par conséquent l’ombre, mais supporte toutefois la pleine lumière, comme c’était d’ailleurs le cas là où nous l’avons rencontrée : en bordure d’un chemin bien large et ensoleillé. Pour cette raison on dit qu’elle est hémisciaphile. Elle révèle un léger penchant pour les sols légèrement acides (elle est acidocline) et pas trop riches en nutriments (méso-oligotrophes).
Elle fait partie des Primulacées, c’est donc une cousine des Primevères.
Angiospermes > Dicotylédones > Primulacées > Lysimachia
Lysimaque, quel drôle de nom pour cette plante, me direz-vous. C’est un mot venant du latin Lysimachia qui avait le même sens; lui-même étant une transcription du grec. Cette plante aurait été ainsi nommée, selon Pline, parce qu’elle avait été trouvée par le médecin Lysimaque (*).
* : CNRTL, Lysimaque, 2012
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La Véronique à feuilles de serpolet (Veronica serpyllifolia)
Poussant juste à côté de la Lysimaque des bois, voici une plante qui adore la lumière, et qu’on trouve sur des sols secs dans les prairies, les lisières mais aussi dans les clairières ou le long des chemins forestiers assez larges. La tige est rampante, mais le pédoncule portant les fleurs est dressé.
La plante peut fleurir de mars à octobre.
Les fleurs sont groupées en grappes au sommet des tiges. Le pédicelle portant chaque fleur individuelle est très court.
La corolle, de 5 à 10 mm de diamètre, est composée de 4 pétales blanchâtres et veinés de bleu.
Ils sont très inégaux : celui situé en haut est le plus grand, les deux latéraux sont de taille moyenne et celui du bas est petit.
Au milieu de la fleur se trouvent les deux étamines portant les anthères bleues (les sacs à pollen). Elles sont situées de part et d’autre du pistil, l’organe femelle.
On peut confondre la Véronique à feuilles de serpolet avec la Véronique officinale (Veronica officinalis), dont les fleurs sont également striées, mais généralement sur un fond bleu pâle ou lilas.
Un moyen plus sûr de les distinguer l’une de l’autre est d’examiner leurs feuilles.
Toutes deux ont des feuilles opposées. C’était d’ailleurs le point commun des trois espèces que nous avons rencontrées aujourd’hui. Elles sont sessiles (sans pétiole) ou portées par un pétiole très court.
Mais les feuilles de la Véronique à feuilles de serpolet (voir photo ci-dessous à gauche) sont entières (non dentées) et glabres ou presque glabres (glabrescentes).
Tandis que celles de la Véronique officinale (voir photo ci-dessous à droite) ont un bord denté muni de poils doux bien visibles.
Dans la nouvelle classification (APG III de 2009), les Véroniques ont été incluses dans la famille des Plantaginacées.
Angiospermes > Dicotylédones > Plantaginacées > Veronica
C’est une famille assez hétérogène : on y retrouve beaucoup de plantes à épis, comme par exemple les Plantains qui ont donné leur nom à la famille, et aussi la Digitale pourpre. Mais la Cymbalaire en fait également partie.
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