Au printemps réapparaissent les Narcisses, les Pulsatilles… et les Gagées.!
C’est par conséquent le bon moment de nous pencher sur ces belles plantes.
Nous ferons le point sur la présence de la Gagée à spathe en Forêt de Soignes, au sud-est de Bruxelles. Et nous enchaînerons en parlant du cycle de développement de ces espèces.

En introduction à ce billet, pourquoi ne pas relire les articles précédents consacrés aux Gagées.?
Les Gagées à spathe en Forêt de Soignes
En avril 2021, nous vous avions parlé d’une station de Gagées à spathe (re)découverte en Forêt de Soignes. Nous sommes retournés la voir en mars.2022, et nous l’avons retrouvée. Huit fleurs jaunes se déployaient au pied d’un tronc, en bordure d’un ruisseau.
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L’identification est aisée grâce à la feuille caulinaire, semblable à une gaine qui serait fendue à la base et dont le sommet se refermerait comme un capuchon (voir la photo ci-contre). La feuille est dite cucullée (vocable dérivant du latin cuculla, «.capuchon.»).
L’espèce est appelée Gagée à spathe parce que la feuille prend la forme d’une «.spathe.». Mais ce n’est pas une spathe, à proprement parler.
En botanique, une spathe (mot venant du grec spathê, «.large lame.») est une grande bractée souvent membraneuse enveloppant plus ou moins une inflorescence, et ouverte latéralement par une fente.
On en trouve notamment chez les Narcisses (photo ci-dessous).
Chez la Gagée à spathe (photo suivante), nous sommes en présence d’une feuille attachée à la tige (feuille caulinaire), et non d’une bractée. Il y a bien deux bractées, mais elles sont linéaires et placées plus haut.
Par conséquent, il vaudrait mieux parler de Gagée à feuille en forme de spathe (mais c’est plus long.!)
Lors de notre récente visite, nous avons repéré une deuxième touffe située à environ 350.mètres de la première, sur la berge du même ruisseau. Trois fleurs ondoyaient parmi les Anémones des bois et les Ficaires.
Entre ces deux stations, nous avons remarqué, le long de ce même cours d’eau, de nombreux bouquets d’herbes tubulaires. Il s’agit vraisemblablement d’autres plants de Gagea spathacea, dont seules les feuilles basales seraient sorties de terre. Cette espèce ne fleurit en effet presque plus.; il est par conséquent assez difficile d’estimer son abondance véritable.

Le cycle de développement des Gagées
Les Gagées suivent un cycle s’étalant sur deux ans.
1- Au commencement : un bulbe parent
Décrivons le schéma général. La plante commence la première année du cycle avec un bulbe, que les scientifiques nomment le bulbe parent ou bulbe mère. De ce bulbe sort, en septembre ou en octobre, une première feuille basilaire, qui réalise la photosynthèse. Les ressources qui en découlent sont emmagasinées dans le bulbe parent.1.

2 – Développement d’un bulbe de remplacement
Ces ressources vont éventuellement permettre le développement d’autres feuilles basilaires, selon l’espèce considérée. Si les réserves engrangées sont suffisantes, c’est-à-dire si le bulbe parent atteint une certaine taille, un second bulbe, appelé le bulbe de remplacement, apparaît, le plus souvent au sein du bulbe parent, ou bien à côté de celui-ci chez la Gagée des prés (Gagea pratensis).2.

3 – Apparition de bulbilles
Si les ressources accumulées dépassent un certain niveau, d’autres bulbes plus petits, que l’on désigne sous le terme de bulbilles, sont alors produits. Le nombre et l’emplacement de ces bulbilles varient d’une espèce à l’autre.3.
Un ou une bulbe ? Un ou une bulbille ?
Bulbe est désormais employé au masculin, mais était féminin au 19e.siècle dans le langage botanique, et masculin dans le langage anatomique (désignant dans ce cas la partie renflée d’un organe).4.
Bulbille est masculin pour l’Académie française, et féminin pour le Robert, le Larousse et le Littré. Faites votre choix.!
Les bulbilles peuvent se développer sous terre, à l’aisselle des feuilles basilaires (situation la plus fréquente). Mais ils peuvent parfois naître (entre autres chez la Gagée jaune) à l’aisselle des feuilles caulinaires. Dans de rares cas, particulièrement chez la Gagée des champs (Gagea villosa), des bulbilles peuvent remplacer les fleurs, un phénomène comparable à ce qui se produit régulièrement pour de nombreuses espèces du genre Allium.5.
Le nombre de bulbilles n’est que de 2 à 3 chez Gagea pratensis, mais peut dépasser 50 chez Gagea spathacea.6. Ils peuvent germer immédiatement ou rester en dormance pendant une à plusieurs années.

Eh oui, c’est à cela que servent les bulbilles.: à la multiplication végétative. Elles peuvent se détacher et donner naissance à de nouveaux individus. Ceux-ci seront des clones, génétiquement identiques à la plante parente.
4 – Éventuellement, des fleurs peuvent se former
Si le bulbe parent dépasse une taille encore plus élevée, une inflorescence pourra voir le jour. Une étude allemande consacrée à deux espèces, la Gagée jaune et la Gagée à spathe, a trouvé que, pour pouvoir former des fleurs, le bulbe parent doit atteindre un diamètre deux fois plus grand que celui qui lui permet de produire des bulbilles.7.
5 – Finalement, presque tout disparaît
Dès le mois d’avril, toutes les parties aériennes de la plante ainsi que le bulbe parent disparaissent. L’azote contenu dans les feuilles et dans le bulbe parent est transféré dans le bulbe de remplacement, qui fera office de bulbe parent l’année suivante 8.


Sources :
1 : Schnittler et al. ; Bulbils contra seeds: reproductive investment in two species of Gagea (Liliaceae).; Plant Systematics and Evolution.; n° 279.; p..29.; 2009 ↑
2 : Schnittler et al. ; Bulbils contra seeds: reproductive investment in two species of Gagea (Liliaceae).; Plant Systematics and Evolution.; n° 279.; p. 37.; 2009 ↑
3 : Schnittler et al. ; Bulbils contra seeds: reproductive investment in two species of Gagea (Liliaceae).; Plant Systematics and Evolution.; n° 279.; p. 37.; 2009 ↑
4 : Dictionnaire Larousse.; Bulbe.; page consultée le.30/9/2020 ↑
5 : Schnittler et al. ; Bulbils contra seeds: reproductive investment in two species of Gagea (Liliaceae) ; Plant Systematics and Evolution ; n° 279 ; p. 30 ; 2009 ↑
6 : Schnittler et al. ; Bulbils contra seeds: reproductive investment in two species of Gagea (Liliaceae) ; Plant Systematics and Evolution ; n° 279 ; p. 33 ; 2009 ↑
7 : Schnittler et al. ; Bulbils contra seeds: reproductive investment in two species of Gagea (Liliaceae) ; Plant Systematics and Evolution ; n° 279 ; p. 33 ; 2009 ↑
8 : Schnittler et al. ; Studies of life history of Gagea graeca (Liliaceae) based on morphological and molecular methods ; Botanical Studies ; volume 58 ; n° 40 ; p. 12 ; 2017 ↑