Vous avez été très nombreux à avoir répondu à la devinette que nous vous avions proposée il y a quelques semaines.
C’est le moment (solennel) d’examiner vos réponses…

Toutes les réponses reçues proposaient des membres de la famille des Liliacées.
La photo nous montre des feuilles allongées et une fleur actinomorphe (à symétrie radiale comme une étoile), composée de 6 tépales. Ce sont effectivement deux caractéristiques communes de cette famille.
Si le choix de la famille a fait l’unanimité auprès des participants, il en a été différemment pour celui du genre.
Plusieurs personnes ont ainsi suggéré que la plante innomée était une Tulipe. À première vue, une Tulipe pourrait faire l’affaire. La Tulipe sauvage (Tulipa sylvestris), photo ci-dessous, possède bien des tépales jaunes, et leur surface extérieure est parfois verdâtre, ce qui correspond à notre fleur énigmatique.
En revanche, les feuilles de la Tulipe sauvage ne coïncident pas. Elles sont certes lancéolées, longues et très étroites. Mais elles ne sont pas cylindriques comme celles qui accompagnent notre plante inconnue.
Ajoutons, bien que ce critère soit difficilement perceptible sur une photo, que les tépales des Tulipes ont une longueur d’au moins 2 cm, et sont plus grands que ceux de la plante dont l’identité est encore inconnue.
Écartons donc les Tulipes. La majorité des participants à notre concours s’est tournée vers un autre genre de Liliacées à six tépales jaunes, les Gagées.

Une personne nous a proposé « Gagea minima, la Gagée naine ».
Nous avions évoqué cette espèce lors du précédent billet consacré aux Gagées. Nous précisions alors que ses tépales sont acuminés, terminés par une pointe, comme sur la photo ci-dessous. Or, ceux de notre plante secrète sont plutôt obtus.
Éliminons par conséquent la Gagée naine.
Comptons les réponses restantes et voyons si le jury des lecteurs a pu s’accorder sur un vainqueur.
Eh bien, ce n’est pas le cas : huit votes pour la Gagée jaune, et autant pour la Gagée à spathe.
La Gagée jaune (Gagea lutea) est la représentante la plus commune de ce genre dans nos régions. Pouvons-nous nous appuyer sur les statistiques et décréter que c’est elle la plante qu’il fallait découvrir ?
Observons d’abord ses feuilles, c’est généralement le critère déterminant pour identifier une Gagée.
Comme nous l’avions appris lors du billet précédent, la Gagée jaune ne possède qu’une seule feuille basale (partant du sommet du bulbe), large d’environ 1 cm. À la base de l’inflorescence se trouvent aussi une ou deux bractées lancéolées, plus étroites (2 mm) et ne dépassant pas les fleurs.
La Gagée à spathe est, pour sa part, escortée par deux ou trois feuilles basales, quasi cylindriques, n’ayant pas plus d’1 mm de large. Sa feuille caulinaire a une forme de spathe, c’est-à-dire qu’elle compose une sorte de gaine qui serait fendue en partie.

Et pour ceux qui douteraient encore, voici une photo supplémentaire montrant la face supérieure de la feuille caulinaire (la face dite adaxiale).
Elle a bien une forme de spathe : d’abord élargie dans le bas, puis se refermant pour former une gaine.
L’habitat de la Gagée à spathe
Ce n’était certes pas une devinette facile, la Gagée à spathe étant une espèce devenue très rare et dont l’identification est malaisée, surtout à l’état végétatif. Et malheureusement, elle ne fleurit que rarement !
Par ailleurs, elle ne peut être observée que dans peu de régions, majoritairement soumises au climat atlantique : principalement le nord de l’Allemagne et de la Pologne, le sud de la Suède, le Danemark, le nord et l’est des Pays-Bas et la moyenne Belgique.
En Belgique, on la trouve essentiellement dans une zone s’étalant de part et d’autre de la frontière linguistique, entre d’une part le Hainaut et le Brabant, et d’autre part la Flandre occidentale et la Flandre orientale.
En France, elle n’est présente que dans deux stations proches de la frontière belge, la première dans l’Avesnois et la seconde dans le département des Ardennes.
Dans les régions dans lesquelles elle vit, la Gagée à spathe habite de vieux bois où se mélangent plusieurs essences comme des chênes, des frênes et des hêtres. Ce sont les bois riches en Jacinthes des bois (Hyacinthoides non-scripta), repris dans la classification Eunis comme les « Chênaies atlantiques mixtes à Hyacinthoides non-scripta » (n° G1.A11).
Ces deux plantes peuvent d’ailleurs y être observées au même moment, et, à l’état végétatif, il n’est pas aisé de repérer les Gagées dans une multitude de Jacinthes ! La floraison de la Gagée à spathe est heureusement plus précoce, débutant selon les années à la fin de mars ou au début d’avril.

Ce bois abrite également des stations de Gagées à spathe
Le voisinage floristique
Dans la partie de la Forêt de Soignes où nous l’avons photographiée, les espèces dominantes (au début d’avril) étaient, outre les premières Jacinthes, les blanches et innombrables Anémones des bois (Anemone nemorosa), ainsi que quelques Luzules des bois (Luzula sylvatica).
Précisons davantage le milieu que la Gagée à spathe fréquente. Le plus souvent il s’agit de vallons humides, comme le montre la photo suivante.
Notez que ce ruisseau était encore à sec lors d’un premier passage, deux semaines auparavant.
Dans ce vallon, les plus proches voisines de notre Gagée étaient les Ficaires, poussant le long de la berge, et, sur la pente même, s’aggloméraient des Dorines à feuilles opposées (Chrysosplenium oppositifolium), assez communes en Forêt de Soignes.
Les gagnants


Article très intéressant et tellement bien illustré! BRAVO!!!!
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