Ce beau perce-neige…

L’hiver est venu avec sa froidure.
La neige a formé sa blanche parure.
Ce blanc uniforme a tout recouvert.
Le silence est là ainsi que l’hiver.
Je marche et mes pieds craquent à chaque pas.
Je cherche la vie là où il n’y en a pas.
Et là, près d’un arbre qui le protège
Je découvre soudain ce beau perce-neige….

Ce poème d’un auteur inconnu illustre bien la balade que la Gazette des Plantes a faite récemment dans les bois entre Carlsbourg et Oizy, sur les communes de Paliseul et de Bièvre, à cheval entre les provinces de Luxembourg et de Namur.


Carlsbourg

Carlsbourg est bien connu pour son beurre, exporté dans le monde entier. C’est le frère Mathias de l’Institut Saint-Joseph qui eut en 1895 l’idée d’installer une laiterie dans une des classes de l’institut. Ce fut l’origine de la laiterie de Carlsbourg, qui ferma ses portes en 1973. La marque a été reprise et le beurre de Carlsbourg est désormais fabriqué à Libramont.

Vue sur Carlsbourg

La région est très boisée, mais il s’agit essentiellement de plantations d’épicéas et d’autres conifères. Des plantes qui ne sont donc pas indigènes dans nos régions, et qui en outre contribuent au réchauffement climatique (lire à ce sujet l’un des billets précédents : « On n’a pas planté les bons arbres en Europe!« ).

Bois de conifères près de Carlsbourg

Saussaie à Oizy

Ironiquement on peut ajouter que Carlsbourg s’appelait jadis Saussure, qui venait de saussaie, c’est-à-dire un lieu planté de saules à osier.

Carlsbourg, c’est-à-dire le « bourg de Charles » fut le nom donné au village en 1757 par son propriétaire de l’époque, Charles Godefroid, duc de Bouillon.

On trouve encore au moins une saussaie dans la région, plus précisément à Oizy, près de la Chapelle de Notre-Dame de Bon Secours.
Sur la photo ci-contre, on la distingue derrière le calvaire. C’est l’étendue roussâtre située devant le bois d’épicéas.

Et c’est précisément tout près de la chapelle que nous avons aperçu un petit groupe de perce-neige.


Classification et Habitat

Angiospermes > Monocotylédones > Amaryllidacées > Galanthus

Un groupe de perce-neige

Le perce-neige (Galanthus nivalis) fait partie de la famille des Amaryllidacées, dans laquelle on trouve aussi le Narcisse jaune (Narcissus pseudonarcissus), qui est d’ailleurs la seule espèce de cette famille qui soit indigène en Belgique.

Notre perce-neige vient lui d’une vaste zone qui s’étend des Pyrénées jusqu’en Ukraine. Au Nord de Paris, et par conséquent en Belgique, il n’est pas autochtone.

A l’état naturel, le perce-neige pousse sur des sols riches en humus et en sels minéraux. On le rencontre dans les forêts de chênes, les charmaies, et les futaies de hêtres, mais aussi dans les prairies non amendées par les engrais, ou encore en bordure des zones humides.

Le problème pour les plantes herbacées se développant dans les sous-bois est l’accès à la lumière. Les rayons du soleil nécessaires à la photosynthèse sont en effet interceptés par les feuilles des arbres du printemps à l’automne. C’est pour cette raison que le perce-neige se développe un à deux mois avant la pousse des feuilles. Le temps pour lui de croître, de se reproduire et d’accumuler des réserves dans son bulbe souterrain.

Il se fait de plus en plus rare à l’état sauvage, car il a souvent été pillé pour égayer les jardins d’ornement. Par un juste retour des choses, il s’échappe maintenant de ces jardins pour se naturaliser ici et là, notamment en Belgique.

Le perce-neige se naturalise de plus en plus en Belgique (ici, en bordure de la forêt de Soignes)

C’est une plante vivace qui passe une grande partie de l’année sous forme d’un bulbe souterrain, ce qui est une caractéristique de la plupart des Amaryllidacées.

Son nom de genre Galanthus vient du grec gala (lait) et anthos (fleur); son nom d’espèce vient quant à lui du latin nivalis (blanc comme neige). Cela ne nécessite pas de longues explications!


Description

C’est une plante vivace assez petite, de 15 à 25 cm de haut, qui fleurit de janvier à mars.
Chaque plant exhibe alors une fleur blanche unique qui pend comme une cloche au sommet d’une tige arquée d’environ 10 cm de hauteur. Il ne faut pas les confondre avec les crocus (souvent appelé également perce-neige par le grand public) car ceux-ci portent leur fleur dressée.

Sur la photo ci-dessous, on remarque que la tige est membraneuse. Cette tige n’est en réalité pas une vraie tige, mais une longue bractée, c’est-à-dire un élément en forme de feuille qui fait partie de l’inflorescence. Lorsque la bractée est longue et membraneuse, comme chez le perce-neige ou le narcisse, les botanistes l’appellent une spathe.

Fleur, ovaire et spathe

On voit bien l’ovaire de couleur vert-jaune, situé en-dessous des pétales (n’oubliez pas que la fleur pend et a donc la tête en bas!).  L’ovaire est l’urne close qui contient les ovules et qui se transformera en fruit après fécondation. Lorsqu’il est situé sous le niveau des pétales, on dit qu’il est infère.

De prime abord, on pourrait croire que le perce-neige possède 3 pétales blancs. Mais écartez-les légèrement, et vous apercevrez à l’intérieur 3 autres pièces florales. Celles-ci sont plus courtes, échancrées, et portent une tache verte en forme de chevron sur leur face externe. Ce trait permet de distinguer le perce-neige d’une cousine proche, la nivéole de printemps (Leucojum vernum).

Les 3 tépales internes

Lorsqu’on ne peut distinguer les sépales (éléments floraux externes) des pétales (éléments floraux internes), ou bien lorsqu’ils se ressemblent fort, on les appelle tépales. 

Ces 3 tépales intérieurs (qui correspondent aux pétales) présentent des lignes vertes longitudinales sur leur face interne. Probablement pour guider les insectes pollinisateurs jusqu’au nectar qui se trouve au centre.

Faces internes des tépales internes

Poursuivons notre visite de la fleur. Au centre, on voit un cercle de 6 étamines (les organes mâles) oranges, portant les anthères vertes (les sacs à pollen). Lorsqu’un insecte se présente, ces anthères se déchirent et répandent sur lui le pollen.
Au milieu du cercle, le pistil (l’organe femelle) dépasse légèrement. A son extrémité le stigmate reçoit le pollen provenant des autres fleurs.

Étamines et pistil

Note : toutes les Amaryllidacées présentent des fleurs à 6 tépales et 6 étamines, ainsi qu’un ovaire infère et une ou plusieurs bractées membraneuses.


Les deux feuilles

Observons maintenant les feuilles.

Il n’y en a que deux par plant.
Elles ont une couleur vert glauque, et une forme allongée. Elles sont souvent bien plus courtes que la bractée portant la fleur.
Larges de 4 à 8 mm, elles présentent des nervures parallèles : c’est un trait typique des monocotylédones.

Les monocotylédones forment l’une des subdivisions des Angiospermes (les plantes à fleurs). Les monocotylédones possèdent des feuilles toujours simples, et qui présentent des nervures parallèles (sauf quelques rares exceptions). On y trouve également les orchidées et les poacées (les graminées).


Toxicité et usages

Les plantes appartenant à la famille des Amaryllidacées sont généralement considérées comme toxiques, à l’exception notable du genre Allium, qui comprend entre autres le poireau, l’ail, l’oignon et  la ciboulette.
Les espèces appartenant au genre Galanthus contiennent des alcaloïdes qui agissent sur le système digestif et les centres nerveux. Il s’agit d’un mécanisme de défense contre les animaux, notamment les rongeurs, qui voudraient se nourrir du bulbe durant l’hiver.

L’un de ces alcaloïdes est la galanthamine qui est commercialisée sous le nom de Réminyl pour traiter les formes légères à modérées de la maladie d’Alzheimer.

Son bulbe ressemblant fort à l’oignon de la ciboulette, plusieurs auteurs rapportent des cas d’intoxication due à sa consommation, et se traduisant par des vomissements.
En fait, sa toxicité fut quelques fois employée en tant que vomitif dans des cas d’empoisonnement. Souvenons-nous que dans l’Odyssée d’Homère, Ulysse, empoisonné par Circé, se soigne à l’aide de perce-neige, sur les conseils d’Hermès…

La fleut fut employé pour fabriquer une sorte de vin

Et pourtant les fleurs de perce-neige ont jadis servi en Angleterre à préparer une boisson fermentée avec de l’eau, du riz, du sucre, des raisins secs et de la levure. Cette boisson était appelée snowdrop wine (vin de perce-neige).

Sources :
– COUPLAN François, Le régal végétal, Editions Sang de la Terre, Paris 2015
– Wikipedia, Galantamine, novembre 2014
– 
Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des Sciences, des Arts et des Métiers, Neufchâtel 1765
– Wikipedia, Circé, février 2016
– La Montagne de Pierrot, Perce-neige, annonciatrice du printemps, février 2016

Légendes

Etant la première fleur à apparaître, alors que la neige recouvre encore la terre, le perce-neige fut naturellement considéré comme le messager du printemps.
Dans la tradition chrétienne, il est aussi devenu le symbole de la pureté de Marie, et de la fête de la Chandeleur. On le surnomme d’ailleurs Violette de la Chandeleur.

Symbole de pureté

Une légende anglaise raconte que le perce-neige serait né du souffle d’un ange sur un flocon de neige. La fleur, en s’épanouissant, apporta un peu d’espoir à Adam et Eve qui, chassés du Jardin d’Eden, erraient au cœur de l’hiver.

Une autre légende raconte que lorsque la Neige fut créée, Dieu lui ordonna de trouver sa propre couleur. Celle-ci se tourna vers de nombreuses fleurs, l’herbe, la rose, la violette,… mais toutes refusèrent de partager leur couleur. Seul le perce-neige accepta de lui offrir sa blancheur. Pour le remercier, la Neige permit au perce-neige d’être la première fleur à paraître au travers de l’hiver

Source:
– VIGNERON Pascal, Légendes du Perce-neige, septembre 2001

 

 

A propos La gazette des plantes

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