La Nivéole de printemps

Le printemps démarre tout doucettement. Voici encore quelques Perce-neige dans le sous-bois. Des Perce-neige? Voire… Les tépales sont tachés de jaune à leur sommet… Ne seraient-ce pas plutôt des Nivéoles de printemps?   


Le Bois de Bachet à Villers-la-Ville

C’est à Villers-la-Ville, soit à 35 km à vol d’oiseau au sud de Bruxelles, que la Gazette s’est promenée récemment, et plus précisément dans le bois de Bachet.
Ce petit bois sépare le village, au sud, des ruines de l’ancienne abbaye de Villers-la-Ville, situées  au nord. Il est bordé à l’est par la Thyle, un affluent de la Dyle, et par des prairies et des champs des autres côtés.

C’est donc dans ce bois, près du lieu où le ruisseau de Goddiarch se jette dans la Thyle, que notre œil fut attiré par un tapis de ce qui semblaient être des Perce-neige (Galanthus nivalis).

Un tapis de Nivéoles de printemps

Nivéole de printemps

Perce-neige

Mais un examen plus attentif montra notre erreur.
L’enveloppe externe de la fleur était composée de 6 éléments blancs tachés de vert-jaune au sommet (photo de gauche), tandis que celle des Perce-neige est faite de 3 éléments blanc pur (photo de droite).
C’était donc un tapis de Nivéoles de printemps (Leucojum vernum), une plante plus rare et protégée en Belgique *.

* : Wikipedia, Espèces végétales légalement protégées en Belgique, octobre 2013

Classification

Angiospermes > Monocotylédones > Amaryllidacées > Nivéoles (Leucojum)

Le nom du genre Leucojum dérive du latin leucos, qui signifie « blanc ». Quant à vernum, il voulait dire « printemps » (de là vient aussi notre adjectif « vernal »).

Les Nivéoles de printemps font partie de la famille des Amaryllidacées, qui comprend 750 espèces, dont les Perce-neige, les Narcisses et l’Ail des ours.
Les Amaryllidacées sont des Monocotylédones, et ce sont généralement des plantes vivaces et à bulbe, et qui aiment les chiffres 3 et 6 comme nous le verrons par la suite.

Tapis de Narcisses jaunes (Narcissus pseudonarcissus)

Tapis d’Ail des ours (Allium ursinum)

 

 

 

 

 

 


Habitat

C’est une plante vivace que l’on rencontre dans les sous-bois herbacés et les prairies humides, par exemple dans les fonds de vallons. Elle préfère les sols neutres ou légèrement calcaires.
En Belgique, son statut est incertain : est-elle indigène ou bien se naturalise-t-elle ici et là à partir des jardins 1? Dans le cas de Villers-la-Ville par exemple, elle est cultivée à moins de 500 m du site naturel.
Quoi qu’il en soit, elle est rare et protégée à l’état sauvage. La carte ci-dessous montre sa distribution en Belgique selon les observations des 10 dernières années 2

Carte-Nivéole

Distribution de Leucojum vernum en Belgique entre avril 2006 et avril 2016 (Source : Observations.be)

 

Sources :
(1) : Wikipedia, Nivéole de printemps, février 2016
(2) : Observations.be

La fleur

Nous l’avons déjà dit : la Nivéole de printemps ressemble très fort à un Perce-neige.
Elle fleurit en général deux semaines après celui-ci, entre février et avril. Elle est donc une source de nectar appréciée des premières abeilles.
Sa fleur a quasiment la même taille que celle du Perce-neige: de 15 à 25 mm de long.
Elle est constituée de six tépales blancs, disposés sur deux rangs. Les 3 externes correspondent aux sépales, et les 3 internes aux pétales (voir photo ci-dessous).
Ils ont une forme ovale qui se termine brusquement en pointe tachée de vert-jaune.

Les tépales sont tachés au sommet

La présence de 6 tépales, qu’ils forment un double cercle ou bien qu’ils soient soudés comme chez les Narcisses, est une caractéristique de la famille des Amaryllidacées.

La Nivéole continue à jouer avec le chiffre 6 : à l’intérieur du périgone (c’est comme cela que les botanistes appellent l’ensemble des tépales), nous trouvons 6 étamines (les organes mâles).

Les 6 étamines et le pistil

Ces étamines ont une tige blanche (le filet) qui porte  les anthères (les sacs renfermant le pollen) oranges.

Elles entourent le pistil ou gynécée (l’organe femelle), qui est composé d’un style blanc surmonté d’un stigmate en forme de pointe verte (voir photo ci-dessous). Ce pistil est en réalité constitué par 3 éléments (carpelles) soudés.

Au centre, le pistil

 

Pédoncule, spathe et pédicelle …

Les botanistes, qui sont des gens très simples, vous diront que la Nivéole est une plante acaule.
Cela veut dire qu’elle n’a pas de tige feuillée (kaulós signifie « tige »en grec ancien).
Ce que vous pensez être la tige est un pédoncule (une tige florifère si vous préférez).

Ce pédoncule est terminé par une membrane plus claire appelée spathe (une spathe est une bractée membraneuse enveloppant une inflorescence).

Et à l’aisselle de cette spathe prend naissance le pédicelle arqué qui porte la fleur penchée.

Simple n’est-il pas?


Les feuilles

Le Perce-neige ne possède que 2 feuilles par plant; la Nivéole du printemps en a 3, et parfois 4. Elles partent toutes de la base et sont de couleur vert foncé. Leur forme est plutôt lancéolée avec un sommet obtus.

Les feuilles

Ce sont des feuilles typiques des Monocotylédones : elles sont simples et leurs nervures sont parallèles.


Toxicité

Une belle plante, mais toxique

La Nivéole de printemps est certes une belle plante, mais elle est néanmoins toxique, tout comme son cousin le Perce-neige d’ailleurs.

Le bulbe contient des alcaloïdes comme la lycorine et la galanthamine.
La lycorine, que l’on retrouve également dans les Narcisses, empêche la synthèse de certaines protéines, et provoque des vomissements et diarrhées 1.

La galanthamine est commercialisée sous le nom de Réminyl pour traiter les formes légères à modérées de la maladie d’Alzheimer.

Il est déjà arrivé que l’on confonde son bulbe avec de petits oignons blancs.
Ingéré à faible dose, cela n’est pas trop grave : comme il provoque des vomissements irrépressibles, les principes actifs seront dès lors régurgités.

Marie-Claude Paume mentionne que les bulbes étaient, en Suisse alémanique,  macérés dans du vinaigre, puis broyés, afin d’être utilisés en application externe contre les verrues 2

Sources :
(1) : Toxiplante, Nivéole de printemps, juin 2015
(2) : Marie-Claude Paume, Sauvages et toxiques, Edisud, 2009

Une plante menacée

En Europe existent encore de grandes populations de Nivéoles de printemps, notamment en Allemagne orientale. Cela n’empêche pourtant pas qu’elle soit reprise sur la liste des espèces menacées en Europe, bien que ce soit avec le degré LC (Least Concerned ou préoccupation mineure). Elle est désormais protégée dans plusieurs pays, en Belgique, en Allemagne, et dans plusieurs régions de France entre autres 1.

Quelles sont donc les menaces qui pèsent sur cette jolie plante?

Comme elle vit dans les milieux humides (bois ou prairies), c’est la destruction de ces milieux par le drainage qui est le danger le plus important.

Un autre péril résulte de sa collecte en masse dans certaines régions.
De nombreuses personnes veulent admirer ses fleurs bien au chaud dans leur maison, et les prélèvent donc pour en faire de gros bouquets 1.
Et puis il y désormais une grande demande des sociétés pharmaceutiques 2. Et ce péril ne concerne pas que les nivéoles, mais bien toutes les Amaryllidacées qui contiennent la galanthamine.

Jean-François Dumas, un écologiste français, raconte l’histoire de manière plus détaillée sur son blog 3.
« C’est au début des années 50 qu’un pharmacologiste bulgare remarqua que des villageois s’appliquaient des feuilles de perce-neige sur le front pour soulager les douleurs nerveuses« .
Très vite, on isole le composant responsable, la galanthamine, qui va dès lors être utilisée en neurologie, en ophtalmologie, en cardiologie ou bien comme substance abortive.
Dans les années 80,  la galanthamine commence à être employée dans le traitement des symptômes de la maladie d’Alzheimer.
Selon Jean-François Dumas, pour aider un million de patients il faudrait exploiter 18 000 tonnes de bulbes par an. Par conséquent cette demande croissante de galanthamine entraîne un risque d’extinction de certaines Amaryllidacées, notamment en Europe de l’Est.
La synthèse chimique de la galanthamine pourrait fournir une solution, mais des études récentes remettent en cause l’efficacité de la galanthamine dans la lutte contre la maladie d’Alzheimer. Affaire à suivre donc…

Sources :
(1) : La Hulotte, n° 19, pp. 13-15, 2ème semestre 1992, Boult-aux-Bois
(2) : The IUCN Red List of threatened species, Leucojum vernum, avril 2015

(3) : Eco-Logique, Le-perce-neige Galanthus nivalis et espèces proches, février 2014

 


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