La Gazette des Plantes a profité du beau temps des derniers jours pour se balader dans les environs de Bruxelles. Aujourd’hui nous vous présentons le Vallon de la Mazerine, dans lequel poussent notamment l’Ail des ours, le Lamier jaune et la Croisette commune.
Le Vallon de la Mazerine
La Mazerine est une petite rivière qui a sa source entre Mont-Saint-Jean et Ransbèche, au sud de Waterloo. Avant de se jeter dans l’Argentine (un affluent de la Lasne) à Genval, elle parcourt un petit vallon oublié du monde et de son urbanisation.
Mazerine, en voilà un drôle de nom! Il signifierait la terre de la maison, et provient du bas latin mansura, manse ou maison, et du suffixe -ina, terre (comme dans Emptinne par exemple) 1.
Cet endroit est repris dans la liste des Sites de Grand Intérêt Biologique (SGIB). En partant de La Hulpe et en remontant vers l’amont, on rencontre d’abord un petit bois et une roselière, puis une zone marécageuse ouverte, et finalement des prairies.
(1) : Jespers Jean-Jacques, Dictionnaire des noms de lieux en Wallonie et à Bruxelles, Editions Racine, 2005
L’Ail des ours (Allium ursinum)
Nous sommes partis du centre de La Hulpe, et nous venions à peine de rentrer dans le bosquet quand nous avons trouvé un vaste rassemblement d’Ails des ours au bord de la Mazerine.
Cette plante aime à la fois la pénombre ainsi que les sols argileux et calcaires, frais et humides, bien drainés et riches en nutriments grâce aux alluvions, sans accumulation de matières organiques.
On la rencontre donc fréquemment le long des ruisseaux, où elle forme des colonies qui peuvent être étendues.
Nous l’avions d’ailleurs déjà croisée le long d’une autre rivière, dans le vallon de la Solières près de Huy (photo ci-dessous).
La Ficaire (Ficaria verna, photo à gauche) est une plante qui pousse dans les mêmes conditions, pénombre et sols assez humides, bien drainés et très riches.
L’Ail des ours fait partie de la famille des Amaryllidacées, et a donc comme cousins les Narcisses, les Perce-neige et les Nivéoles.
Angiospermes > Monocotylédones > Amaryllidacées > Allium
C’est lors de sa quatrième année d’existence que l’Ail des ours devient adulte.
Une dizaine de fleurs apparaissent alors en ombelle au sommet d’un pédoncule long de 20 à 30 cm. Elles sont riches en nectar et attirent beaucoup d’insectes.
Chaque fleur comprend 6 tépales blancs (les sépales et pétales sont identiques) disposés en étoile.
La plante est munie à la base de 2 feuilles lancéolées, rappelant celles du muguet.
Ce sont des feuilles aux nervures parallèles, typiques des Monocotylédones.
Une forte odeur d’ail s’en dégage lorsqu’on les froisse, ce qui permet de distinguer la plante à l’état végétatif du muguet.
Heureusement, car les feuilles de l’Ail des ours sont comestibles (c’est d’ailleurs probablement la plante sauvage la plus connue et la plus cueillie), tandis que celles du muguet sont très toxiques!
Notez que le muguet pousse normalement sur des sols plus secs.
Mais pourquoi Ail des ours? Parce qu’à leur réveil d’hibernation, les ours consommeraient cette plante pour se purger. L’Ail des ours est en effet utilisé depuis longtemps pour soulager les troubles intestinaux et digestifs. Il est également antiseptique, grâce à la présence de composés soufrés.
Les feuilles récoltées au printemps avant la floraison (avec parcimonie, afin d’assurer la reproduction de la plante!) permettent d’assaisonner les salades ou la soupe, ou de parfumer le beurre ou le pesto.
Attention toutefois : seule une cuisson à 60°C permet d’éviter le risque d’échinococcose (2), une grave maladie provoquée par les larves de vers plats.
(2) : ESCCAP, Les échinocoques : un danger pour l’Homme, 2015
Le Lamier jaune (Lamium galeobdolon)
En sortant du petit bois, et toujours sur la rive de la Mazerine, nous avons aperçu une plante aux fleurs jaunes ressemblant à une ortie.
On la nomme d’ailleurs parfois Ortie jaune, mais elle n’a rien à voir avec ces dernières, qui font partie de la famille des Urticacées.
Notre plante ne pique pas, ses fleurs sont disposées en cercles autour de la tige et ont la forme d’un casque à deux lèvres. C’est une Lamiacée, le Lamier jaune (Lamium galeobdolon).
Cette famille comprend beaucoup de plantes odorantes, dont les menthes, le Lierre terrestre et l’Epiaire des bois. Remarquez sur les photos ci-dessous (cliquez dessus pour les agrandir) que ces deux dernières ont le même type de fleurs en forme de casque.
Angiospermes > Dicotylédones > Lamiacées > Lamium
Bien qu’il soit assez tolérant quant aux conditions écologiques, on le rencontre le plus souvent dans la pénombre, sur des sols argileux moyennement humides et moyennement riches en nutriments (moins riches que dans le cas de l’Ail des ours), et là où les matières organiques ne s’accumulent pas. Il sera souvent vu en compagnie d’une autre Lamiacée, la Bugle rampante (Ajuga reptans) ainsi que de la Violette des bois (Viola reichenbachiana), reconnaissable à son éperon plus foncé que les pétales.
Penchons-nous maintenant sur les fleurs jaunes : elles sont disposées en plusieurs verticilles (cercles) tout autour de la tige et possèdent donc deux lèvres : la lèvre supérieure est concave, la lèvre inférieure possède trois lobes, le lobe central étant rayé de marques oranges, et servant de piste d’atterrissage pour les insectes butineurs à la recherche du nectar se trouvant au fond de la fleur.
On aperçoit également les étamines (4 au total) soudées à la lèvre supérieure.
Cette forme en casque oblige les butineurs à trompe à se frotter aux étamines qui vont déposer le pollen sur leur dos. Ils vont ensuite transporter le pollen de fleur en fleur, permettant ainsi la fécondation.
Certains insectes n’ayant pas de trompe, comme les guêpes, vont tenter de percer la corolle pour accéder directement au nectar.
Les feuilles sont typiques de beaucoup de Lamiacées : elles sont opposées et décussées (chaque paire formant un angle droit avec les paires voisines), simples, dentées et garnies de poils.
Les feuilles du Lamier jaune sont comestibles crues ou cuites, mais leur odeur est souvent jugée désagréable.
On rencontre de plus en plus souvent une variété horticole qui s’échappe des jardins et se naturalise. C’est la sous-espèce argentatum qui se caractérise par ses feuilles plus larges et maculées de taches argentées (voir photo ci-contre).
Elle est plus résistante, et se propage de manière agressive. Elle n’est toutefois pas (encore) considérée comme étant réellement invasive.
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La Croisette commune (Cruciata laevipes)
Nous voici arrivés au bout du vallon; le sentier longe maintenant une prairie où paissent quelques chevaux. Le long du chemin notre œil aperçoit parmi les graminées des teintes plus jaunes : ce sont des touffes de Croisettes communes.
Il faut se pencher pour en distinguer les détails, car la plante n’est pas encore très haute : 20 à 30 cm actuellement. Elle atteindra au maximum 60 cm dans quelques semaines.
Elle ressemble à un immeuble à plusieurs étages : à chaque étage est placé un cercle de feuilles et les fleurs jaunes, très petites, sont groupées à l’aisselle des feuilles.
La Croisette pousse normalement au soleil (les photos le prouvent!), sur des sols limoneux. Ils peuvent être neutres ou calcaires (mais pas acides), et sont assez riches en éléments nutritifs (notamment l’azote et le phosphore), mais pauvres en matières organiques.
On ne la rencontrera normalement pas en pleine forêt, mais plutôt au bord des chemins agricoles et des prairies.
Elle fait partie de la famille des Rubiacées, surtout présente dans les régions tropicales, avec notamment le caféier. Les Rubiacées tirent leur nom du fait que les racines de plusieurs membres de cette famille fournissent des colorants rouges (du latin rubeus : rouge). C’est le cas de la Croisette commune.
Une autre caractéristique de beaucoup de Rubiacées est la disposition des feuilles, en verticilles.
Angiospermes > Dicotylédones > Rubiacées > Cruciata
Dans nos régions tempérées, la famille est surtout représentée par les Gaillets, comme le très envahissant et très accrocheur Gaillet gratteron (Galium aparine), qui préfère lui des sols plus humides.
La Croisette commune s’appelait autrefois le Gaillet croisette (Galium cruciata).
Gaillet vient du grec gala : lait, car ces plantes étaient utilisées autrefois pour faire cailler le lait.
Mais les botanistes la place désormais dans un genre à part, Cruciata. Ce nom vient vraisemblablement de la disposition des feuilles : il y a en effet à chaque niveau 4 feuilles qui forment une croix autour de la tige. Elles sont oblongues et velues, comme la tige d’ailleurs.
La Croisette commune fleurit d’avril à juin. Les fleurs jaune pâle sont minuscules (2.5 mm de diamètre) et disposées en verticille à l’aisselle des feuilles. Elles sont formées de 4 pétales ovales et dégagent une odeur de miel.
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